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Bruit de voisinage et antériorité : la loi est adoptée

La loi du 15 avril 2024 visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels a été adoptée et publiée au Journal Officiel du 21 avril. Elle entend limiter les conflits de voisinage, notamment en milieu rural.

Elle entend créer les conditions d'un « vivre ensemble » équilibré et à limiter les conflits entre néo-ruraux et paysans, acteurs économiques, culturels ou touristiques d'un territoire, mais aussi régler les différends de voisinage dans les grandes villes, notamment entre les dark stores et leurs riverains, qui supportent souvent de graves nuisances.

La loi ajoute ainsi un article dans le Code civil, l'article 1253, qui consacre le droit d'antériorité, ou de pré-occupation des activités professionnelles (quelle qu'en soit la nature) sur le voisinage. Il s'agit du principe selon lequel les occupants d'un bâtiment souffrant de nuisances sonores provenant d'un commerce ou d'un site industriel ne peuvent pas obtenir réparation si les exploitants occupaient le lieu avant eux : celui qui vient s'installer à proximité d'une activité bruyante ne peut s'en plaindre. Attention toutefois, pour se prévaloir du principe de l'antériorité, plusieurs critères doivent être strictement respectés, notamment celui selon lequel l'exploitant doit exercer son activité en conformité avec la législation et la réglementation en vigueur, notamment en matière de nuisances sonores.

Le droit d'antériorité existait déjà dans le Code de la construction et de l'habitation (article R113-8). Il s'agit ici de le consacrer au civil pour lui donner plus de poids, celui de la responsabilité civile, et de l'étendre à toutes les activités professionnelles, qu'elles qu'en soit la nature.

La loi ne consacre pas le droit de faire du bruit

Les exploitants déjà sur place doivent dans tous les cas respecter la réglementation, et notamment les limites prévues par le Code de la santé publique (les articles R1336-6 à R1336-10 et R1337-6 à R1337-10-1 du Code de la santé publique en ce qui concerne les nuisances sonores). Le nouvel article indique en effet que "ces activités doivent être conformes aux lois et aux règlements et s'être poursuivies dans les mêmes conditions ou dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l'origine d'une aggravation du trouble anormal."

En résumé, pour que ce droit d'antériorité puisse être invoqué, l'activité litigieuse doit réunir simultanément trois conditions : 

  • être antérieure à l'installation des plaignants (date du dépôt du permis de construire de la maison, de l'achat de l'habitation ou de la signature du bail) ;
  • respecter les dispositions législatives et réglementaires en vigueur ;
  • s'être poursuivie dans les mêmes conditions par rapport à la date retenue pour apprécier son antériorité (les juges doivent ainsi vérifier avec précision quels étaient les troubles avant l'extension de l'exploitation et ce qu'ils sont devenus après cette modification des conditions d'exercice).

Par conséquent, un riverain, même nouvellement installé, a toujours le droit de faire part des nuisances sonores qu'il subit. Il reviendra à l'agent de contrôle (policier municipal, agent administratif de la mairie, commissaire de justice, etc.) d'enquêter, et, le cas échéant, de constater l'infraction.

La loi vise précisemment le bruit du monde rural

En ajoutant aussi un article dédié dans le Code rural et de la pêche maritime, la loi entend particulièrement protéger les bruits de la campagne, et fait suite aux affaires médiatiques de ces dernières années, comme celle du Coq Maurice. Désormais, la responsabilité de l'exploitant agricole n'est pas engagée lorsque le trouble anormal provient d'activités agricoles existant antérieurement à l'installation des nouveaux voisins. Même constat que polus haut : l'exploitant agricole devra dans tous les cas respecter la réglementation, dans les mêmes conditions qu'avant la publication de la loi.

Le bruit des activités agricoles (ne relevant pas de la réglementation des installations classées pour la protection de l’environnement – ICPE, qui bénéficient de leur propre réglementation) est encadré par la réglementation applicable aux bruits d’activités professionnelles (article R1336-6 du Code de la santé publique).

Lorsque le bruit a pour origine une activité professionnelle, la tranquillité du voisinage ou la santé de l'homme est atteinte si certaines valeurs d'émergence fixées par la réglementation sont dépassées. Ainsi, les valeurs admises de l'émergence sonore sont calculées à partir des valeurs :  
  • de 5 dB(A) en période diurne (de 7h00 à 22h00) et ;  
  • de 3 dB(A) en période nocturne (de 22h00 à 7h00). 

Concernant particulièrement les engins agricoles , il faut savoir que leur vitesse est limitée  : 40 km/h pour les engins agricoles circulant à vide, et 25 km/h pour les véhicules de plus de 3,5 tonnes (article R413-12-1 du Code de la route). Concernant les convois exceptionnels, ils sont interdits du samedi à 12h jusqu’au lundi matin sauf en période de semis ou de récoltes.

Par ailleurs, certains arrêtés préfectoraux de lutte contre le bruit peuvent encadrer les activités agricoles, en prévoyant par exemple des règles d’usage de certains équipements ou matériels (par exemple, les effaroucheurs d’oiseaux). Ils peuvent également réglementer le passage des engins agricoles ou soumettant leurs conducteurs à des horaires limités (en interdisant par exemple aux engins agricoles de rouler après 22 heures). Ces arrêtés préfectoraux sont généralement consultables sur le site de la Préfecture.

Enfin, il arrive que certaines Chambres d'agriculture cosignent des chartes de bon voisinage à la campagne avec les acteurs ruraux du territoire (élus locaux, fédérations de chasse, organismes agricoles...). Maires, particuliers et agriculteurs s'engagent à respecter un certain nombre de règles de « vivre ensemble ». La charte peut par exemple imposer aux agriculteurs de prévenir en amont les riverains en cas de bruit inhabituel prolongé et intense.

Source : Loi n° 2024-346 du 15 avril 2024 visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels, JO du 16 avril 2024

 

 

 

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