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Un arrêté municipal interdit de posséder plus de cinq animaux

Afin de lutter contre le bruit, la maire d’une commune de Meurthe-et-Moselle (54) a pris un arrêté limitant le nombre d’animaux domestiques par foyer. L’arrêté précise que chaque foyer ne doit posséder plus d’un coq, une oie, une pintade et deux chiens, au motif que ces animaux seraient la cause de nombreuses nuisances sonores. L’occasion d’apporter quelques précisions sur les contours de la loi afin de trier le vrai du faux.

Oui, le maire est garant de la tranquillité publique

Le maire doit prévenir les troubles à la tranquillité publique en prenant les mesures nécessaires à la lutte contre les bruits de voisinage. Pour cela, il dispose de pouvoirs de police, qui lui permettent de les réprimer (article L2212-2 du Code général des collectivités territoriales). Pour y parvenir, il peut mettre en place une réglementation locale (arrêté municipal) visant à limiter les nuisances sonores. En complément, il dispose de pouvoirs de police spéciale, qui lui permettent d'intervenir lorsque les bruits sont de nature à porter atteinte à la santé de l'Homme (article L1311-1 et suivants du Code de la santé publique). Là aussi, le maire a la possibilité de prendre des arrêtés ayant pour objet d’édicter des dispositions particulières relatives au bruit en vue d’assurer la protection de la santé publique et de renforcer les textes réglementaires sur les bruits de voisinage pour les adapter au contexte communal. S'il n'agit pas en ce sens, il peut engager la responsabilité de sa commune.

C'est dans ce contexte que, parce que sa commune comprenait autant de chiens que de foyers, le maire de Crosville-sur- Scie (76) avait pris un arrêté préventif visant à réduire les nuisances sonores générées par les aboiements incessants et intempestifs de chiens. L'arrêté municipal de 2021 comprenait notamment un rappel à ordre destiné aux propriétaires canins.

Non, le maire ne peut pas tout interdire de manière générale et absolue

Dans le cadre de cet exercice, l'arrêté municipal se doit de respecter certains principes. Sinon, il peut facilement être attaqué devant le juge administratif, être déclaré nul et donc non-applicable. Le maire se doit de fixer des mesures qui ne soient ni excessives ni insuffisantes pour faire cesser les nuisances. Il peut, par exemple, interdire l’accès de certaines voies, ou de certains secteurs de la commune aux véhicules dont la circulation dans ces lieux est de nature à compromettre la tranquillité publique (article L2213-4 du CGCT). Il doit par ailleurs faire en sorte que le texte ne prive pas les personnes d’une liberté individuelle ou publique (liberté
de circulation, liberté de commerce et d’industrie etc.). Enfin, il ne peut rien interdire de façon générale et absolue. Par exemple, le maire ne peut pas interdire totalement l’usage des tondeuses, à toute heure et tous les jours de la semaine, sans quoi l’arrêté municipal serait excessif. Il faut donc fixer des horaires, des jours précis, et/ou limiter les types d’engins utilisés.

Oui, une loi protège les sons des campagnes françaises, mais...

La loi du 29 janvier 2021 visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises introduit dans le Code de l’environnement les sons comme caractéristiques des espaces naturels. On pourrait donc imaginer que les cris d'animaux domestiques e la campagne comme faisant partie du patrimoine commun de la nation, aux côtés des paysages, de la qualité de l'air ou des êtres vivants et de la biodiversité. La loi est applicable sans décret, mais attention : il appartient aux services régionaux d'identifier et de qualifier l'identité culturelle des territoires ruraux, y compris leurs éléments sonores, pour contribuer à les valoriser. Les élus locaux pourront ainsi s'appuyer sur cette carte d'identité des territoires ruraux pour désamorcer les conflits de voisinage. Cet inventaire régional n'est pas publié.

Lorsque l'inventaire sera réalisé, la loi servira de base juridique aux maires, aux préfets, et aux juges, pour traiter les affaires de conflits de voisinage dans les campagnes. Le but est de leur permettre de tenir compte du patrimoine sensoriel des campagnes lorsqu'ils évalueront l'anormalité du trouble de voisinage. Les notaires pourraient également se servir de cette base juridique pour mettre en garde les futurs acquéreurs dans les fiches de renseignement, à l'insta des notaires du Morbihan.

Non, la loi ne vise pas spécifiquement les néoruraux

La loi accompagne l'évolution des campagnes, qui étaient, il y a plusieurs dizaines d'années, composées majoritairement de paysans. Aujourd'hui, le nombre d'habitants agriculteurs dans le monde rural est très réduit. Au nombre de plus de 2,5 millions en 1955, les exploitants agricoles en France sont aujourd’hui 496 000 selon le recensement agricole de 2020 (voir le rapport de la Cour des comptes), ce qui représente 4% des habitants de la campagne.

Non, la loi ne permet pas de faire n'importe quoi

La loi ne dispense pas tout un chacun de respecter la tranquillité du voisinage, qu'il soit un particulier ou un professionnel. Rappelons qu' "aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'Homme" (article R1336-5 du Code de la santé publique). Tous les types d’animaux sont par ailleurs concernés par une obligation générale qui pèse sur leurs propriétaires de ne pas causer à autrui de trouble anormal de voisinage. Or, les bruits des animaux constituent certainement l’une des sources les plus fréquentes de contentieux relatif aux bruits de voisinage. En effet, ces bruits sont, par nature, plus difficilement supportables que d’autres.
La répétition des cris d’animaux (aboiements de chiens, cris de volatiles, etc.), augmente la gêne de ceux qui y sont exposés, que la bonne volonté des propriétaires suffirait, le plus souvent, à diminuer les nuisances sonores produites pour les ramener au seuil de l’acceptable. Dans l'appréciation de ces troubles, les juges prennent déjà en compte le lieu où le bruit se produit. Le juge civil sera sensible au contexte local, c'est-à-dire à l'environnement de celui qui se plaint du bruit des animaux, en distinguant notamment entre la ville et la campagne (pour en savoir plus : Fiche Juribruit D2 - Bruit des animaux - 2015).

Guide Le maire et les bruits de voisinage - CidB - 2022

 

Une question sur le bruit ?