Le juge a rejeté le recours de l'exploitant du circuit d'Albi contre la décision du maire de limiter l'usage du circuit à un maximum de quatre véhicules. Limiter l'activité de la sorte, dans l’attente de la mise en œuvre de mesures complémentaires permettant de limiter les nuisances sonores, ne met pas en péril l'activité économique entreprise.
Le circuit de vitesse appartient à la commune d'Albi, bien que situé sur la commune de Séquestre, à proximité de nombreuses habitations et zones urbaines. Homologué en 2019 pour quatre ans pour les karts, il ne l'est pas pour la formule 1. L'homologation est aussi assortie de conditions, notamment celle de faire réaliser dans l'année un écran anti-bruit à la limite de propriété du quartier des Marannes.
A la suite de nombreuses plaintes de riverains et à l'appui de mesures sonométriques qui ont permis de relever des dépassements des valeurs limites d'émergence règlementaires, la commune de Séquestre agit. Entre 2020 et 2021, elle met par trois fois en demeure la société exploitante de procéder « à toute mesure, toutes dispositions ou tous travaux utiles pour faire respecter les dispositions du code de la santé publique ». Sans résultat probant, en août 2021, le maire de Séquestre décide de prendre une nouvelle mesure par arrêté municipal : limiter à quatre véhicules thermiques l'usage du circuit d'Albi.
Pour l'entreprise exploitante, la décision du maire menace sa survie
La société est exploitante du circuit automobile d’Albi depuis 2015. Ayant pris connaissance de cette mesure qui restreint son activité, elle saisit le juge en référé pour suspendre en urgence la décision du maire.
A noter qu'il peut tout à fait y avoir urgence à agir lorsque la décision du maire porte atteinte,"de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre". C'est donc le juge des référés qui apprécie concrètement si les effets de l'arrêté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue. L’urgence doit être appréciée objectivement compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’affaire. Pour cela, la société exploitante a présenté une attestation de son expert comptable pour justifier de ses pertes de bénéfice.
La société exploitante justifie son action devant la justice par la perte de gains liés à la limitation de l'usage du circuit, pouvant l'amener à devoir définitivement arrêter son activité. Pour elle la mesure prise par le maire est disproportionnée : il y a une urgence économique à suspendre la décision du maire. Par ailleurs, pour elle il ne fait aucun doute qu'en prenant un tel arrêté municipal, le maire a méconnu la règle selon laquelle un maire ne peut pas prendre de décision générale et absolue. Or, l'arrêté visait tous les véhicules thermiques, sans distinguer ceux dont les émissions sonores sont fortes de ceux à faible émission de bruit. De plus, la présence de quatre véhicules sur le circuit concerne-t-elle quatre véhicules en simultané ou sur une journée ? Pour les exploitants, l'arrêté manque donc de précisions. Par ailleurs, la présence de six voitures de course ne provoquait aucun dépassement des valeurs limites d'émergence : pourquoi limiter à quatre et non à six ?
Pour le maire, pas d'urgence économique mais une urgence de santé publique
Le maire avait pris sa décision après avoir fait appel à une bureau d'études en acoustique qui avait rendu les résultats de ses analyses en juin. La limitation à quatre véhicules commençait à compter du 6 septembre 2021 et jusqu'à la mise en oeuvre par l’entreprise exploitante de toutes mesures techniques, acoustiques, réglementaires, pratiques permettant de faire respecter la réglementation. La commune de Séquestre affirme qu'il n'y a pas urgence économique qui pourrait justifier une reprise de la pleine activité sur le circuit.
La décision du tribunal administratif
Pour le tribunal, l'entreprise exploitante ne justifie pas expressément d'annulations, de baisses du prix des prestations déjà réservés, ou encore de l'impossibilité d'accueillir des clients qui n'auraient pas réservé. Son bilan comptable est une preuve insuffisante. Sur le contenu de l'arrêté municipal ensuite, le juge affirme que la mesure de suspension du circuit n'est pas définitive et à vocation à être levée. Il conclue qu'il n'y a pas d'urgence économique susceptible de le conduire à suspendre l'application de l'arrêté municipal. Sans se prononcer sur le caractère général ou absolu de l’arrêté, il rejette donc la requête de la société exploitante.
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Arrêt du Tribunal administratif de Toulouse, ordonnance du 19 novembre 2021, n° 2106329