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Le maire et le bruit

La lutte contre les nuisances sonores revient en premier lieu au maire. Il doit prévenir, atténuer ou faire cesser les troubles à la tranquillité publique. Il se doit de prendre toutes les mesures nécessaires à la lutte contre les nuisances sonores provoquées par des tiers du fait de ses pouvoirs de polices générale et spéciale.

Ces pouvoirs de polices lui sont dévolus par le Code général des collectivités territoriales. Afin d'appliquer ses pouvoirs, il peut mettre en place un réglementation locale proportionnée dans le temps et dans l'espace. En effet, il ne peut pas réglementer de manière générale et absolue les activités à l'origine de nuisances. Il doit à la fois respecter le principe des libertés publiques et les pouvoirs de police du préfet.


Le maire et ses pouvoirs de police

Afin de remplir ses obligations de police, le maire peut interdire ou réglementer certaines activités commerciales bruyantes, sans pour autant porter une atteinte illégale à la liberté du commerce et de l'industrie (Conseil d'Etat, 7 juillet 1993, n° 139329). En cas de carence du maire, la responsabilité de la commune pour faute simple peut être engagée (Conseil d'Etat, 28 novembre 2003, n° 238349). Les mesures prises par le maire doivent être doivent permettre de réduire de manière satisfaisante les troubles constatés (Conseil d'Etat, 3 février 2016, n° 381825).

Prouver une atteinte à la tranquillité publique sinon rien

Le maire avait limité les horaires d’ouverture des petits commerces dans deux rues du centre-ville (bars, snacks, épiceries, boulangeries…), afin de lutter contre les nuisances sonores. Tous ces commerces devaient fermer entre 23 et 5 heures du matin, et ce pendant deux mois. Bien que ces mesures n’aient l’air ni générales, ni absolues, le juge a considéré que le maire n’avait pas apporté de preuves suffisantes de l’atteinte à la tranquillité publique. Il a annulé l’arrêté municipal. 
 
Cour administrative de Marseille, 9 juillet 2018, n° 17MA02562

Un arrêté municipal adapté, nécessaire et proportionné

Pour limiter les nuisances sonores provenant d’un bar (comportement bruyant des clients et diffusion de musique amplifiée), le maire prend un arrêté municipal pour limiter à minuit la fermeture de l’établissement, et ce pour une durée de six mois. Le gérant de l’établissement consteste cette décision devant les tribunaux. En appel, les juges considèrent que la mesure du maire est adaptée, nécessaire et proportionnée à sa finalité. En effet, les nuisances sonores étaient particulièrement intenses au moment de la fermeture du bar à deux heures du matin, ce qui avait poussé le maire à avancer l’heure limite de fermeture. L’intensité des nuisances avait été prouvée grâce aux constatations d’agents assermentés, qui étaient intervenu pour faire suite aux diverses mains courantes de riverains.

Cour administrative d'appel de Versailles, 14 mars 2017, n° 15VE00475

Le maire et ses pouvoirs de police de la circulation

Pour limiter les comportements bruyants et malveillants des clients d’une discothèque, le maire avait légalement interdit la circulation dans les rues autour de l’établissement les nuits d’ouverture. 

Cour administrative d'appel de Paris, 28 juin 2016, n° 14PA00841

L’impossible sommeil du voisin de deux bars

Le très proche voisin de deux bars dont l’heure de fermeture était fixée à 3 heures du matin, se plaignait d’importantes nuisances sonores nocturnes en provenance de ces établissements. Le maire avait bien interdit le stationnement de véhicules sur la place de la mairie, sans prendre aucune autre mesure pour limiter ou faire cesser le tapage. Le juge a donc reconnu la faute du maire de nature à engager la responsabilité de la commune et a enjoint la commune à verser 5000 euros au riverain. Il s’est notamment appuyé sur la preuve que l’un des plaignants souffrait d’importants troubles du sommeil liés au bruit généré par les bars, et ce pendant trois ans.

Cour administrative d'appel de Nantes, 31 mai 2016, n° 14NT02117

Le maire a bien agi

Une station de lavage fermée le dimanche

Une station de lavage de véhicules fait l’objet de nombreuses plaintes du voisinage. Le maire limite par arrêté les horaires d’ouverture de la station à la semaine et entre 7 et 21 heures.  Il prend un second arrêté pour interdire l’ouverture de la station les dimanche et jours feriés. La société exploitante de la station conteste le second arrêté devant le tribunal administratif. N’obtenant pas son annulation, elle fait appel.
Pour cette société, il suffisait de réduire l’activité (en passant à quatre pistes de lavage les dimanches et jours feriés) pour faire cesser les nuisances, sans toutefois en apporter la preuve. Par ailleurs, il était reproché au maire d’avoir pris cet arrêté en vue de favoriser l’exploitant d’une société de lavage concurrente. 
Pourtant, un rapport d’extertise demandée par le juge prouvait le dépassement des valeurs limites de bruit prévues par la réglementation.
Les juges d’appel reconnaissent que le maire, au titre de ses pouvoirs de police, a bien agi en interdisant l’ouverture de la station les dimanches et jours feriés, en vue de préserver la tranquillité publique. Ils reconnaissent l’interêt général de cet arrêté et rejettent la suspicion de favoritisme, le trouble de voisinage ayant commencé bie avant l’arrivé de l’entreprise concurrente dans le quartier. 

Cour administrative d'appel de Nantes, 27 septembre 2019, n° 18NT04295

Le maire n'a pas ou peu agi (carence ou inaction du maire)

 

Ajouter des clauses anti-bruit au contrat ne suffit pas !

L’exploitant d’un parc d’attractions avait passé une convention d’occupation avec la commune pour installer son parc sur le domaine public d’une commune. Le parc est situé à 20 mètres de la maison d’un couple qui souffre du bruit des souffleries, des attractions et de la clientèle du parc. Ils se plaignent d’abord au maire, qui réagit en prescrivant la fermeture du parc à minuit durant la saison estivale. Le maire ajoute également des clauses « anti-bruit » au titre d’occupation du domaine public. 
Les nuisances continuant et dépassant largement les valeurs réglementaires, le couple de riverains saisit le juge administratif. L’exploitant du parc évoque quant à lui son droit de « pré-occuper ». Le parc existait avant (2008) l’installation du couple dans le quartier (2011).
 
Déboutés par le tribunal administratif, les époux D font appel. La Cour administrative d’appel condamne la commune à verser la somme de 12 811 euros aux époux D : ajouter une clause anti-bruit dans une convention d’occupation du domaine public ne suffit pas à affirmer que le maire répond à ses obligations en matière de bruits de voisinage !
 
Des mesures contraignantes et suffisantes doivent être prises par le maire pour faire cesser le trouble. Pour ce faire, le maire peut tout à fait interdire ou limiter les activités professionnelles bruyantes. En cas d’inaction du maire, la responsabilité de la commune peut être engagée pour faute simple. Le droit d’antériorité ou de pré-occuper invoqué par l’exploitant n’a pas suffi à atténuer la responsabilité de la commune. En revanche, la responsabilité de l’Etat (préfecture) n’est pas retenue par le juge, la préfecture n’ayant été contactée par les plaignants qu’en 2016. Rappelons que le préfet agit en cas de carence du maire. 
 
Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 17 Juillet 2020, n° 18MA03484 

 

Condamnation solidaire de la commune et de l’Etat

Malgrés l’annulation du permis de construire par le tribunal administratif, une base nautique continuait d’être exploitée. La base de loisirs accueillait des activités nocturnes générant d’importantes nuisances sonores. Le maire avait envoyé un courrier à l’exploitant de la base sans que les nuisances ne cessent. Les juges ont finalement reconnu une faute du maire de nature à engager la responsabilité de la commune : le maire s’était abstenu, malgré les demandes des riverains constitué en collectif et à l’origine d’une pétition, de réprimer les nuisances. Le préfet s’était lui aussi abstenu de pallier la carence du maire, ce qui engage de fait la responsabilité de l’Etat. L’Etat et la commune sont condamnés solidairement à verser 15 000 euros aux plaignants. 

Cour administrative d'appel de Bordeaux, 31 décembre 2020, n° 18BXO3649

 

Le maire n'avait pas pris les mesures appropriées : faute lourde

La responsabilité de la commune doit être engagée lorsque de nombreuses manifestations bruyantes sont organisées, sans que le maire n'ait pris les mesures appropriées pour mettre fin aux troubles :
« […] Considérant qu'aux termes de l'article L. 131-2 du Code des communes : "La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique. Elle comprend notamment : (...) le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique, telles que rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits et rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique." ; Considérant qu'il résulte de l'instruction que les manifestations organisées dans la salle du "Mille Club" ont, à de nombreuses reprises entraîné des bruits qui, en raison de leur caractère excessif et du fait qu'ils se sont prolongés tard dans la nuit, ont porté gravement atteinte à la tranquillité et au repos de l'intéressé ; que le maire , informé de cette situation par les plaintes répétées de M. A. n'a pas pris les mesures appropriées pour mettre fin aux troubles qui en résultaient ; que dans les circonstances de l'espèce, sa carence a présenté le caractère d'une faute lourde de nature à engager la responsabilité de la commune ; Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner la commune de C. à payer à M. Arnaud la somme de 3 000 F ; […] ».

Cour administrative d'appel de Lyon, 26 octobre 1994, n° 93LY00312

 

Pas de preuve, pas d’action

Des riverains se plaignent auprès du maire de la proximité directe de leur maison, en limite de village, avec des chevaux appartenant à un centre équestre. Pour ces habitants, les chevaux sont à l’origine de nuisances tant olfactives que sonores. Ils demandent au maire d’agir, et sans obtenir gain de cause, ils contestent la carence du maire devant les juges amdinistratifs. Les juges rappellent que la commune est une commune rurale, que la maison des requêrants est située en limite de bourg à proximité du centre et d’une ferme, et que rien ne prouve la gravité du trouble.  

Cour administrative d'appel de Nantes, 29 novembre 2019, n° 18NT02288

 

Une indémnisation des riverains de 22 000 euros

Le maire qui s’est abstenu de faire usage de ses pouvoirs de police pour limiter l’accès à un terrain de basketball municipal pour assurer la tranquillité des riverains a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune. Cette faute n’a pas été qualifiée de faute lourde mais a entraîné une indemnisation des requêrants, à hauteur de 22 000 euros. 

Conseil d'Etat, 28 novembre 2003, n° 238349

 

Troubles générés par un ouvrage public

Troubles provenant d'une salle des fêtes

La responsabilité administrative peut être engagée, si l'activité à l'origine des nuisances sonores dépend d'un ouvrage public ou de la carence du maire. Mais si ces bruits ne sont pas excessifs et ne dépassent pas ceux que les riverains doivent supporter, l'indemnisation doit être refusée. Les bruits provenant de manifestations nocturnes organisées dans une salle appartenant à la commune obligent celle-ci à réparer le préjudice : 
« Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des mesures acoustiques relevées par les services de la direction des affaires sanitaires et sociales de la Vienne que M. R. subit des troubles excédant les sujétions normales de voisinage à raison de bruits provenant des manifestations nocturnes organisées régulièrement dans la salle des fêtes de la commune ; qu'en se bornant à faire valoir que des travaux ont été effectués pour mettre un terme aux nuisances sonores constatées, la commune, qui ne conteste pas par ailleurs la réalité des nuisances subies par le requérant antérieurement à ces travaux, n'établit pas non plus avoir pris les mesures nécessaires à la suppression des troubles que subit M. R. ; Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une expertise, que la Commune de V. n'est pas fondée à soutenir que « c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers l'a condamnée à verser à M. Régnier une somme de 60 000F ; […] ».

Cour administrative de Bordeaux, 19 mai 1994, n° 92-648

 

Troubles provenant d'un boulodrome

Le Tribunal administratif de Rennes a donné raison à la commune de Ploemeur, dans un conflit l'opposant aux riverains d’un boulodrome. Les preuves apportées par les requérants, des constats d'huissiers et des coupures de presse, ne sont pas suffisantes pour caractériser l'existence d'une situation particulièrement dangereuse pour l'ordre public. Si le juge reconnait que le boulodrome génère des nuisances sonores, celles-ci ne sont que modérées. Il n’y a donc pas de carence du maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police. La responsabilité pour faute de la commune n'est donc pas retenue. Concernant les indemnités demandées, les nuisances sonores n'étant que modérées, le préjudice n’est ni grave, ni spécial. De tels inconvénients n'excèdent pas ceux que doivent normalement supporter sans indemnité, dans l'intérêt général, les voisins d'ouvrages affectés à un service public.

Tribunal administratif de Rennes, 6ème chambre, 22 décembre 2022, n° 2002241

A Arès, un couple de propriétaires avait demandé la condamnation de la commune du fait de la carence du maire dans la mise en oeuvre de ses pouvoirs de police. Pour assurer leur tranquillité, le maire avait demandé aux agents de la police municipale de vérifier régulièrement le respect de cette inetrdiction (ce qui avait été fait), et avait prescrit la mise en place d'un dispositif destiné à atténuer le bruit des boules sur les rondins de bois entourant le boulodrome. Enfin, le maire avait pris un arrêté municipal pour restreindre l'activité de pétanque après 20 heures et interdire les regroupements excessifs de personnes. Lors de l'enquête, une étude acoustique avait démontré qu'aucune émergence sonore ne justifiait la réalisation de travaux de réduction du bruit. La carence du maire n'avait donc pas été retenue.

Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 12 avril 2019, 17BX02499,17BX02500

Dans une affaire de 2007, la commune avait soutenu, sans être contredite par les juges, que les comportements d'ordre privé des personnes stationnant à proximité du boulodrome n'étaient pas connus antérieurement aux opérations d'expertise, et que les riverains requêrants ne soutenaient pas que cette nuisance aurait perduré postérieurement. A ce titre, les juges n'avaient pas retenu la responsabilité de la commune du fait de l'exercice des pouvoirs de police municipale.

Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 13 février 2007, 04BX00662

Rôle du préfet

Un stand de tir audible de plusieurs communes

Parce qu’elle ne respectait pas la réglementation applicable aux bruits de voisinage, le préfet avait suspendu l’activité d’un stand de tir aux pigeons d’argile par arrêté préfectoral. Les plaintes des riverains pouvaient s’entendre de plusieurs communes. Même si les nuisances étaient audibles de plusieurs communes, l’établissement n’était établi que dans une seule commune. Le juge a rappelé que c’est le maire qui aurait dû prendre un arrêté restrictif, et non le préfet. 

Cour administrative d'appel de Bordeaux, 31 décembre 2020, n° 18BX04459

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