L’Association des maires de grandes villes de France a présenté, dans sa lettre d’information du 4 mars 2008, une enquête réalisée en partenariat avec le CIDB, sur la mise en place des cartes du bruit et des plans de prévention du bruit dans les grandes agglomérations. Outre les principaux enseignements de cette enquête, nous profitons de cet article pour décrire quelques exemples du travail de longue haleine mené dans quelques grandes agglomérations françaises.
De cette enquête, à laquelle une trentaine de membres de l’AMGVF ont répondu, se dégagent quelques tendances intéressantes. Premier enseignement, des conseils généraux, tels que ceux de la Seine-Saint-Denis ou du Val-d'Oise, se substituent aux communes ou EPCI, en maîtrise d’ouvrage déléguée, pour réaliser la cartographie du bruit. Autre information, dans la majorité des situations, la cartographie n’est pas réalisée en interne, mais par des bureaux d’études spécialisés ; on notera au passage que le coût d’une carte varie du simple au double (pour des collectivités équivalentes en taille et en population). Quant aux difficultés de communication entre collectivités, services de l’Etat et organismes publics, travers qu’une enquête précédente avait soulignés, elles semblent désormais s’être atténuées. En revanche, il apparaît que certaines structures tardent à répondre et transmettent parfois des données anciennes, difficilement exploitables. Côté diffusion des cartes, les collectivités ont mis les informations en ligne sur leur site Internet ou envisagent de le faire dès qu’elles seront disponibles et exploitables. Ainsi, le Grand Lyon a arrêté ses premières cartes de bruit le 12 novembre 2007 et les propose en consultation sur internet. Pour sa part, Paris a modifié en 2007 les cartes de bruit présentes sur son site depuis 2003 afin de prendre en compte les spécificités des cartes européennes.
Concernant les plans de prévention du bruit dans l’environnement, soit la deuxième étape de l’application de la directive européenne sur le bruit dans l’environnement, l’AMGVF précise que ses membres sont dans une « phase d’étude et d’analyse », la réalisation des plans n’étant souvent prévue que pour le deuxième semestre de cette année. Toutefois, au nombre des mesures de réduction du bruit couramment recrutées par les grandes villes et agglomérations interrogées, figurent, entre autres, l’intégration des éléments dans le SCOT ou le PLU, le développement de pistes cyclables, la création de zones « 30 », l’interdiction de transit des poids lourds ou le remplacement des surfaces pavées par de l’asphalte.
Enfin, les collectivités posent plusieurs questions, en particulier : le décalage entre le territoire pertinent en matière de bruit et le périmètre administratif ; la mise en avant de points noirs du bruit dont le traitement est du ressort des services de l’Etat ; la nécessité d’une concertation élargie et multi-acteurs (collectivités territoriales à différents échelons, services de l’Etat, gestionnaires d’infrastructures - RFF, DGAC, Chambres de commerce-, population).
L’AMGVF et le CIDB engageront à nouveau une enquête auprès des membres de l’association, probablement au début de l’année 2009. Lire l'étude sur les cartes de bruit et les plans de prévention AMGVF - CIDB
L'exemple du Grand-Lyon
Le Grand Lyon (57 communes) est la première agglomération française à avoir publié sa carte du bruit au sens de la directive de 2002 sur le bruit ambiant. Les cartes diurnes et nocturnes sont disponibles au format pdf pour la route, le ferroviaire et l'aérien. Ces cartes seront prochainement actualisées avec le bruit industriel, et élargies aux communes de Givors et Grigny. L'outil utilisé pour la réalisation de la cartographie est GIpSynoise (R), issu d'un projet LIFE environnement regroupant 14 villes européennes.
Le Grand Lyon, qui a la compétence bruit, prépare actuellement la mise en ligne de cartes à l'échelle 1/10 000ème, commune par commune (information géoréférencée permettant la navigation à partir d'une adresse ou du numéro de parcelle du cadastre). Il s'agit du même outil que celui utilisé pour la diffusion du PLU.
La structure intercommunale qui a reçu la compétence pour élaborer, réviser et assurer le suivi du Schéma de cohérence territoriale (SCOT) de l'agglomération lyonnaise est le Sepal (Syndicat mixte d'études et de programmation de l'agglomération lyonnaise). Le Sepal, soucieux de faire en sorte que soit mené un diagnostic acoustique portant sur la totalité du périmètre du SCOT, prend en charge la cartographie pour le compte des quinze communes non situées dans la communauté urbaine du Grand Lyon : cinq d'entre elles sont concernées par la directive, les dix autres ne le sont pas. Parmi ces dix communes, il se trouve que cinq d'entre elles sont riveraines de l'aéroport Lyon-Saint-Exupéry. Ainsi, la directive européenne a servi de levier pour que, dans ces communes, on dispose bientôt d'une cartographie du bruit toutes sources. La cartographie trouve ainsi une application concrète : elle permet d'accompagner la préconisation de densification du territoire proposée dans le projet de Document d'Orientations Générales du SCOT par un principe de non exposition acoustique des populations.
Au sein des services opérationnels du Grand Lyon, pour que la cartographie soit exploitée en interne, le choix a été fait d'une diffusion de cartes simplifiées, représentant seulement trois niveaux de bruit (calme, moyennement bruyant et bruyant). Ces cartes simplifiées sont un « produit d'appel » amenant les urbanistes à s'interroger plus finement et donc à consulter les cartes de bruit et les cartes de population exposées. Ces éléments peuvent être aisément croisés pour vérifier la compatibilité des futurs projets d'aménagement (route, ligne de transport en commun, habitat, zone industrielle, zone commerciale ou mixte, espace naturel) avec différents critères de développement durable tels que l'environnement sonore, la qualité de l'air et la mobilité, mais également la création d'emplois ou le mitage urbain.
Pour compléter ces disposition préventives, le Grand Lyon œuvre à l'organisation du rattrapage des situation bruyantes avec les gestionnaires d'infrastructure et en synergie avec l'isolation thermique, le renouvellement urbain et la qualité de l'air.
Par ailleurs, les cartes n'étant que des estimations, il est nécessaire de réaliser en parallèle des mesures de bruit de long terme sur le terrain. C'est le but du réseau permanent de mesure des bruits urbains, ensemble de 30 sonomètres reliés à un ordinateur central, qui a été mis en place entre 2006 et 2008. 10 balises ont été déployées sur des sites « emblématiques » représentatifs et pour le suivi de projets urbains particuliers (par exemple la création d'une halte ferroviaire). Le choix des emplacements des prochaines balises se fera à la lumière de la cartographie du bruit.
Le Grand Lyon travaille aussi en collaboration avec des organismes partenaires, en particulier Acoucité, le pôle de compétence régional sur l'environnement sonore urbain. Créée en 1997 à l'initiative du Grand Lyon, l'association Acoucité assure le suivi et la gestion de l'observatoire de l'environnement sonore du Grand Lyon et réalise des études et des mesures de bruit sur l'agglomération lyonnaise.Cartes du bruit du Grand Lyon
L'exemple de la communauté urbaine de Bordeaux
Réglementairement parlant, la Communauté urbaine de Bordeaux (CUB), créée en 1968, ne dispose pas de la compétence « lutte contre les nuisances sonores ». Toutefois, la CUB a décidé de prendre en charge l’élaboration de la carte du bruit des 27 communes de son territoire et de passer des conventions de mise à disposition, à titre gratuit, de données numériques aux communes membres. La commune d'Ambès, qui ne fait pas partie de l'agglomération, disposera aussi de cette carte. Concernant les 25 communes de l'agglomération situées en dehors de la CUB, la Préfecture essaye d'inciter les communes à établir une cartographie. Si, à ce jour, seule la commune de Cadaujac a lancé une consultation à cet effet, les autres pourraient se grouper sous forme d'un marché par groupement de commande. Quant aux moyens techniques mis en œuvre à Bordeaux, la CUB utilise le logiciel GlpSynoise (moteur CADNA-A) – à l'élaboration duquel la CUB a participé, dans le cadre du projet européen du même nom –, associé au système d’information géographique ArcMap. Un PC « double cœur » (Pentium biprocesseur à 3,4 GHz et 2 Go de mémoire vive) suffit à faire tourner les calculs. Pour le bruit routier, les 3 500 km de voies ont été décomposés en 33 000 tronçons homogènes. Les données de circulation sont issues de sources distinctes et complémentaires. Les gestionnaires des voies fournissent les données relatives aux routes nationales et les autoroutes. Pour les voies communautaires importantes, une soixantaine d'appareils d'enregistrement fixes fournissent les données (SIREDO). Un logiciel EMME2, établi à partir d'une enquête ménage, permet de connaître les flux importants d'échange entre quartiers. Sur les autres voies, des comptages sont effectués dans des voies représentatives des quatre catégories du réseau. La vitesse prise en compte est la vitesse réglementaire. Les cartes de bruit routier ont été achevées fin 2007. Elles prennent en compte la vitesse réglementaire de la rocade à cette époque (90 km/h). Or, en janvier 2008, la vitesse des poids lourds a été abaissée à 80 km/h. Une mise à jour est nécessaire. Pour le bruit ferroviaire, les données transmises par RFF ont été analysées mais restent incomplètes car ne prenant pas en compte la voie ferrée de ceinture et la voie ferrée du Médoc. Pour le tramway, la Ville de Bordeaux a effectué des mesures de bruit afin de caler les données des voies concernées, dans le cadre d’un partenariat. Pour le bruit dû à l’activité de l'aéroport de Bordeaux-Mérignac, Plan d'exposition au bruit et Plan de gêne sonore font force de référence. Le Préfet a approuvé une carte de bruit pour l’aéroport de Bordeaux le 30 juin 2007 et l’a mise à la disposition du public sur le site internet de la préfecture de Gironde. Pour les industries, le SIG de la CUB comprend des données mises à jour par les services municipaux des communes. Une carte sur laquelle figureront ces établissements est en préparation. Pour la représentation finale, sont envisagées, en premier lieu, des cartes « publiques » de bruit routier Lden et Ln pour l’ensemble des 27 communes de la CUB. Avant d'être publiées, ces cartes doivent être validées par l’ensemble des communes concernées. Des cartes techniques d'aide à la décision pour les PPBE sont en cours d’élaboration. Pour les zones calmes, les services en charge de la cartographie attendent les propositions de zonage pour chacune des 27 communes. Voir le reportage de TV7 « Bordeaux : la carte du bruit (émission du mercredi 12 mars 2008)
L'exemple de Nantes-Métropole
D'un point de vue réglementaire, Nantes-Métropole, en tant que communauté urbaine créée en 2001, possède la compétence de lutte contre les nuisances sonores, et la met en œuvre via sa mission Risques et Pollutions. Le choix a été fait de réaliser les cartes en interne, moyennant la création d’un poste en CDD. Selon les termes du décret du 24 mars 2006, 5 communes de Nantes Métropole sur 24 ne rentrent pas dans le champ d'action de la directive européenne. Par souci d'homogénéité, il a néanmoins été choisi de réaliser les cartes de ces communes. Une commune, Haute-Goulaine, rentre dans le champ d'action de la directive, mais n'appartient pas à Nantes Métropole. Une convention a été signée avec cette commune pour que Nantes Métropole réalise ces cartes. Au total, 25 communes sont donc concernées par ce projet. Tout comme à Bordeaux, Nantes-Métropole utilise le logiciel GlpSynoise. Le matériel proprement dit consiste en une « ferme de PC », composée d'un poste maître et de cinq esclaves, pour de meilleures vitesses de calcul.
La cartographie du bruit routier a été établie à partir d'un graphe de chaussée (un brin pour une chaussée, deux chaussées étant délimitées par un élément physique) et un trafic moyen journalier annuel (TMJA) relatif aux années 2004 à 2007, issu de boucles de comptages permanentes ou temporaires. Les voies les plus importantes de l'agglomération (environ 13%) ont un trafic connu basé sur les comptages réalisés par Nantes-Métropole et la DDE. Pour les voies de moindre importance, des valeurs forfaitaires ont été attribuées en fonction de l'importance de la route et de l'usage du sol. La modélisation se base sur une vitesse moyenne qui n’est autre que la limite réglementaire. Les informations relatives aux revêtements des voies et à leur largeur sont issues d'un audit réalisé en 2006 de façon quasi exhaustive sur l'ensemble des routes composant le territoire de la communauté urbaine. Pour les autres données, telles que le pourcentage de poids lourds et le type de trafic, des valeurs forfaitaires ont été utilisées. Pour le bruit ferroviaire, l'intégralité des données ont été récupérées auprès de RFF et adaptées, notamment à la norme SRMII utilisée par GlpSynoise. Pour le bruit du tramway, la cartographie a été établie à partir des données fournies par la Semitan, qui exploite les transports en commun de l’agglomération nantaise. GlpSynoise ne traitant pas du bruit du tramway, le bureau d'étude SerdB a établi une relation entre le tramway nantais et les données d’émissions sonores ferroviaires par défaut du logiciel GlpSynoise, à partir des éléments disponibles dans le logiciel (type de revêtement, type de poses de voies, vitesses). Ainsi, moyennant l’entrée de « fausses valeurs » dans le logiciel, l’on obtient de « vraies valeurs » de niveaux sonores relatifs au tramway. Le bruit industriel n’a pas été modélisé, mais les industries « bruyantes » ont été localisées sur une carte pour les communes et quartiers nantais concernés (la liste des ICPE soumises à autorisation provient de la DRIRE). La Cellule Opérationnelle de Prévention des Risques (COPR) de Nantes-Métropole a sélectionné les installations bruyantes ou potentiellement bruyantes. Pour le bruit aérien, l'aéroport de Nantes-Atlantique ne rentre pas dans le champ d'action de la directive européenne (moins de 50 000 mouvements annuels). Cependant, eu égard à son implantation sur le territoire de l'agglomération, et GlpSynoise ne permettant pas sa modélisation, l’empreinte sonore de l’aéroport de Nantes-Atlantique a été réalisée à partir des données ayant servi à l'élaboration du Plan de Gêne Sonore (PGS) de l'aéroport (arrêté le 27 août 2003). La délégation territoriale de l'Aviation civile des Pays-de-la-Loire a modélisé le bruit aérien avec le logiciel INM, et a transmis les isophones pour les indicateurs Lden et Ln.
Aujourd’hui, les cartes des niveaux d’exposition au bruit, de dépassement des valeurs limites et les résultats statiques des populations et bâtiments sensibles exposés sont réalisés pour les 24 communes composant Nantes-Métropole et pour chacun des 11 quartiers de Nantes, séparément pour chaque source de bruit – routes, fer (trains et tramways), avions – et en multiexposition, pour les indicateurs Lden et Ln. De plus, des cartes localisent les industries « bruyantes » pour les communes concernées.
En ce qui concerne la représentation finale, les 347 documents seront téléchargeables, par communes et quartiers, au format pdf à l’échelle du 1/10 000ème sur le site Internet de Nantes Métropole mi 2008, après validation par le nouveau Conseil Communautaire.
L'exemple de Lille-Métropole
Règlementairement, la communauté urbaine de Lille-Métropole (LMCU) ne dispose pas de la compétence bruit, mais elle est officiellement prestataire au service des 85 communes du territoire pour la mise en œuvre de la directive européenne (réalisation de la carte du bruit, publication des données et plans d'actions). L'outil de calcul utilisé est Lima grande échelle, l'ensemble des données SIG étant gérées avec MapInfo. Deux puissants PC en réseau sont dédiés aux calculs. Côté données de trafic, des informations complètes (flux de trafic, vitesse et proportion de poids lourds) ont été recueillies sur une grande partie des 3600 km de voies. Ces données étant liées au référentiel géographique, les cartes évolueront au gré des nouveaux comptages de trafic (environ 2000 par an). Les données de topographie (isocourbes à 2 m) et de bâti (hauteur+population) sont elles aussi disponibles. Les écoles et les établissements de santé ont fait l'objet d'un localisation précise et d'un comptage du nombre d'élèves (par école) et du nombre de lits (par établissement de santé). L'Etat a réalisé un relevé des protections acoustiques sur le réseau routier national. Pour le rail, l'adaptation des données (issues de RFF et de la SNCF) au format de Lima est en cours (Réseaux/Flux/Vitesses/lnfrastructures). Pour l'aérien, deux aérodromes sont à prendre en compte : pour l’aéroport international de Lille-Lesquin, les isophones sont issues du PEB ; pour l’aérodrome de Bondues, en l’absence de PEB, la DGAC réalise une modélisation. Pour le bruit des activités industrielles, sur la base de la table géoréférencée fournie par la DRIRE du Nord, toutes les installations classées pour la protection de l’environnement (400 sites industriels) font l’objet d’une validation des niveaux en limite de propriété et d'une modélisation par LMCU. En matière de représentation finale, une carte par commune sera produite, avec distinction des différents réseaux routiers (Etat, Département et LMCU) et des autres sources (industries, ferroviaire et avions). La définition des zones calmes est encore à l'étude. La publication des cartes est prévue pour fin 2008 / début 2009, après validation des résultats par l’ensemble des 85 communes de LMCU.
A noter que Lille-Métropole s’est dotée d’un réseau de surveillance du bruit, totalisant une soixantaine de balises oper@ installées en milieu urbain. Une convention de partenariat avec l'Etat vient d’être signée pour l'installation d'une quinzaine de balises à proximité du réseau dénivelé. Des mesures de bruit effectuées dans quelques zones calmes de la métropole compléteront ce déploiement. Enfin, des unités de mesures météorologiques et des appareils de comptage des véhicules seront interfacées sur quelques-unes des balises du réseau.