Les études réalisées par le CIDB dans le cadre des campagnes de sensibilisation sur les effets du bruit sur la santé dressent un constat alarmant : l’écoute de la musique avec casque ou oreillettes est aujourd’hui précoce et déjà intense à l’école primaire. En outre, les pratiques d’écoute nocturne concernent 21% des élèves à l’école primaire et 30% des collégiens et des lycéens. Sans compter que ceux qui écoutent le plus fort le font sur des durées importantes !
Les études réalisées par le CIDB dans le cadre des campagnes de sensibilisation sur les effets du bruit sur la santé dressent un constat alarmant : l’écoute de la musique avec casque ou oreillettes est aujourd’hui précoce et déjà intense à l’école primaire. En outre, les pratiques d’écoute nocturne concernent 21% des élèves à l’école primaire et 30% des collégiens et des lycéens. Sans compter que ceux qui écoutent le plus fort le font sur des durées importantes !
L’écoute de musique s’est démocratisée grâce aux téléchargements sur internet et les progrès technologiques ont entraîné une augmentation importante des capacités de stockage et des durées d’écoute. La possibilité de choisir son univers sonore dans un environnement bruyant permet de masquer les sons non désirés et d’offrir un espace personnel de liberté cher à l’adolescent. Cependant, le plaisir immédiat procuré par la musique à des niveaux sonores élevés occulte souvent le risque de pertes auditives.
Connaître les pratiques et les représentations des jeunes en matière de musiques amplifiées est indispensable pour mener des campagnes de sensibilisation efficaces sur les risques auditifs. C’est pourquoi lors des conférences pédagogiques organisées par le CIDB dans les établissements scolaires, les élèves répondent à un questionnaire en début de séance en face à face. Les animateurs peuvent ainsi préciser des questions qui auraient été mal compris par l’élève. Ces études réalisées par le CIDB depuis plusieurs années dressent un constat alarmant : l’écoute est aujourd’hui précoce et déjà intense à l’école primaire pour certains élèves.
Fréquence d’écoute
Notons que 71% des élèves à l’école primaire (N=884), 85% des collégiens (N=1984) et 93% des lycéens (N=424) écoutent leur baladeur tous les jours ou plusieurs fois par semaine. Les élèves écoutent majoritairement leur baladeur plus de une heure par jour (82% pour les collégiens, 86% pour les lycéens). 28% des collégiens et 29% des lycéens écoutent plus de quatre heures par jour. Il faut rappeler qu’il est recommandé d’éviter d’écouter plus d’une heure par jour surtout lors d’écoute à volume élevé.
Ecoute nocturne
L’usage nocturne du baladeur numérique (MP3, téléphone, tablette avec oreillettes) est une pratique qui n’est pas marginale. A l’école primaire, 21% des élèves s’endorment tous les jours ou plusieurs fois par semaine en écoutant de la musique avec casque ou oreillettes. Au collège et au lycée ils sont 30%. D’autres études avaient déjà mis en évidence cette pratique pathogène. Ainsi, une étude de Guibert et al. (2009) montre qu’un quart des élèves reconnaissent écouter leur baladeur la nuit pendant leur sommeil, et une étude de Käräti & al. (2011) révèle aussi que 39% s’endorment avec leur baladeur. Ces pratiques d’endormissement avec le baladeur doivent être prises en compte dans la durée quotidienne d’écoute. Elles peuvent en outre avoir des conséquences sur la santé notamment sur la qualité du sommeil.
Niveau sonore
Le niveau sonore d’écoute est aussi un facteur important dans l’évaluation du risque auditif. 65% des collégiens et 67% des lycéens écoutent leur baladeur à un niveau qu’ils jugent eux même fort ou très fort. Et plus les élèves écoutent fort, plus ils écoutent longtemps. Sur l’ensemble des élèves qui écoutent 5 heures et plus par jour, 82,5% des collégiens et 79% des lycéens l’écoutent fort ou très fort.
D’autre part, l’âge semble avoir une incidence sur le volume : 57% des collégiens de 13 ans écoutent fort ou très fort, ils sont 70% à 14 ans et 73% à 15 ans et plus.
Lors de « l’atelier baladeur » proposé par le CIDB, les élèves volontaires peuvent mesurer leur niveau d’écoute à l’aide d’un mannequin numérique relié à un ordinateur. Les résultats montrent que 34% des collégiens écoutent leur MP3 entre 91 et 100 dB(A) et 6% l’écoutent à un niveau supérieur à 100 dB(A). Ils sont 35% à dépasser la dose de bruit journalière préconisée par la réglementation sur le bruit au travail et à s’exposer à moyen terme à des risques de dommages auditifs. Ces résultats sont identiques à ceux de Kumar et al. (2009) où 30% des sujets se situeraient aussi autour du seuil de risque. Un travail important reste encore à mener pour promouvoir une écoute raisonnée sans atteintes auditives à venir.
Lors de cet atelier, 61% des collégiens déclarent vouloir modifier leurs pratiques suite à la campagne de sensibilisation en réduisant le volume (42%) ou le temps d’écoute (31%) ou encore en évitant de s’endormir avec leur MP3 sur les oreilles (27%).
De leur côté, les lycéens sont 31% à écouter entre 91 et 100 dB et 9% écoutent au-delà de 100 dB. Un lycéen sur deux (51%) dépasse la dose de bruit tolérable pour l’audition.
Effets recherchés
A travers l’écoute de la musique à volume élevé, les effets recherchés sont multiples : créer sa propre bulle sonore (79%), se défouler (68%). Les filles revendiquent plus que les garçons ces effets recherchés. Comme l’ont déjà souligné Axelsson A. et al. (1987) et Vogel et al. (2010) « L’écoute à plein volume » répond à une demande des jeunes qui souhaite « vibrer ensemble » sur leur musique préférée sans communiquer verbalement. La dimension sociale se créée aussi à travers l’usage du baladeur par le partage de l’oreillette. Dans notre étude, 81% disent garder une oreillette lors de discussions. Snowden et Zapala (2010) ont aussi signalé cette pratique qui peut entraîner une augmentation du volume dépassant celui de l'écoute binaurale, accroissant ainsi le potentiel de dommages auditifs.
En concert
Les concerts sont appréciés des parents qui se rendent volontiers avec leurs enfants dans ces lieux pour les initier à l’écoute de leur musique favorite. Il s’agit là de transmettre une culture musicale. Ce partage culturel ne doit pas pour autant occulter les risques de pertes auditifs. Bien qu’ils soient au tout début de la fréquentation des lieux musicaux, 59% des élèves à l’école primaire et 41% des collégiens fréquentent déjà ces lieux. 52% des enfants à l’école primaire estiment que les niveaux sonores lors de ces concerts sont trop forts.
L’âge est aussi un facteur déterminant dans l’évaluation des risques. Les niveaux sonores élevés dans les concerts semblent de plus en plus tolérés au fur et à mesure que l’on grandit : 55% à 7 ans et seulement 30% à 10 ans estiment les niveaux trop élevés. Les enfants ont tendance à accepter ces niveaux comme étant la norme. C’est à 15 ans que le risque est le plus sous-estimé. Les résultats sur la fréquence d’endormissement avec le baladeur indiquent la même tendance. D’où l’importance de sensibiliser particulièrement cette tranche d’âge qui semble méconnaître les risques auditifs et sensibiliser les plus jeunes qui ne sont pas encore dans ces pratiques excessives pour qu’ils puissent à l’adolescence opérer leur choix d’écoute de manière raisonnée.
Perception des risques
Notre étude a révélé que plus d’un tiers des adolescents interrogés ignorent encore les risques liés à une durée d’écoute importante à volume élevé. De même, 30% des collégiens pensent que la perte de l’audition est réversible. 22% des collégiens seulement prennent des précautions face aux risques auditifs (bouchons d’oreilles, éloignement des enceintes..). Pourtant, 59% ont déjà ressenti des acouphènes.
En outre, la surestimation des niveaux d’écoute des camarades en collège et en lycée professionnel indique comme le confirment de nombreuses études qu’on s’estime en général moins exposé au risque qu’autrui, ce qui entraîne une surestimation de l’aptitude personnelle à y faire face et des capacités réduites d’autrui à les gérer. Les études en psychologie mettent en lumière toute la complexité de l’évaluation du risque d’atteinte auditive pour soi et pour autrui. Pour Weinstein (1980), l’optimisme irréaliste désigne la tendance générale à croire qu’autrui aura plus d’infortunes que soi. L’illusion de contrôle quant à elle est la tendance des individus à anticiper une probabilité de contrôle personnel plus forte que la probabilité objective ou réelle (Langer, 1975). Ces deux biais conduisent à un troisième qui est l’illusion d’invulnérabilité ou la tendance à se croire moins exposé que les autres à subir un événement négatif (Perloff, 1983). Selon Weinstein (1987), cette illusion d’invulnérabilité résulterait de quatre considérations : 1) la croyance selon laquelle s’il n’y a pas eu de problème jusqu’à présent, on est à l’abri d’un tel risque pour le futur (les pertes auditives sont rarement immédiates sauf dans le cas de traumatismes sonores aigus), 2) la perception du risque comme évitable par des actions individuelles (Mettre des bouchons d’oreilles, s’éloigner de la source, faire des pauses…), 3) la perception du risque comme étant rare (aucun camarade n’a de pertes auditives avérées) et 4) l’absence d’expérience personnelle directe avec ce type de risque (aucun symptôme ressenti par le jeune alors que la perte auditive est insidieuse et parfois même indolore).
Connaître les représentations des jeunes en matière de risques auditifs est une première étape pour envisager des campagnes de sensibilisation plus efficaces prenant en compte les différentes dimensions évoquées. Toutefois, les liens entre la perception du risque et les comportements de protection sont complexes. Les modèles décrivant les changements de comportements et l’adoption de comportements favorables à la santé utilisent différents leviers mais avec un point commun : une communication efficace doit s’attacher à la mise en évidence des aptitudes de chacun à opter pour des comportements sains.
Enjeu de santé publique, ces campagnes de sensibilisation sur les risques d'exposition à la musique amplifiée sont nécessaires dès le plus jeune âge (les pratiques étant de plus en plus précoces) permettant de promouvoir les avantages qu’il y a à écouter la musique avec un casque adapté, sur des durées raisonnables, et à adopter des mesures de prévention dans les lieux de divertissement tels que les salles de concert ou les discothèques (éloignement des enceintes, temps de récupération en zones calmes, port de bouchons d’oreille, etc.). L’objectif est de pouvoir continuer à écouter la musique tout en gardant le plus longtemps possible le sens qui nous relie aux autres : l’audition.
Contact : Valérie Rozec :