Dans le cadre d’un litige relatif à des nuisances sonores opposant le syndicat de copropriétaires d’un immeuble à l'exploitant d'un complexe sportif jouxtant cet immeuble, une expertise a été ordonnée par le juge des référés à la demande du syndic. Certains habitants, du même immeuble, avaient saisi le juge des référés afin qu’il leur rende commune l’expertise judiciaire de manière à pouvoir y participer et à s’en prévaloir dans l’instance au fond à venir. Leur demande a cependant été rejetée. Découvrez pourquoi, dans cette analyse de l'ordonnance de référé du Tribunal judiciaire de Paris du 16 janvier 2025 par l'avocat Maître Christophe Sanson.
Leur demande a en effet été rejetée car, si le juge ne contestait pas le lien des demandeurs avec l’expertise en cours, il a estimé qu’ils n’avaient pas été assez diligents en faisant cette demande quelques mois seulement avant le rendu du rapport de l’expert et ce alors que la mesure d’instruction durait depuis presque deux ans.
Le bruit provenait d'un centre de surf indoor
Certains copropriétaires occupants d’un immeuble parisien s’estimaient victimes de nuisances sonores du fait de l’exploitation d’un complexe sportif comprenant une vague de surf statique sur un terrain jouxtant leur immeuble. En 2021, le syndicat des copropriétaires de cet immeuble avait fait procéder à une étude acoustique qui concluait à l’existence de nuisances sonores en provenance de la machine. La société exploitante avait fait réaliser divers travaux, de sa propre initiative, de manière à faire cesser ou du moins à limiter les nuisances sonores provenant de son activité. Début 2022, un second rapport acoustique établi par un bureau d’études acoustiques à la demande du syndicat des copropriétaires laissait apparaître quelques émergences non réglementaires sur certaines bandes d’octaves.
En 2022, le syndicat des copropriétaires a assignéla société exploitante devant le juge des référés afin que soit ordonnée une expertise judiciaire. En 2023, le président du Tribunal judiciaire avait fait droit aux prétentions du demandeur en désignant un acousticien, afin que soit réalisée une expertise contradictoire entre le syndicat des copropriétaires et la société exploitante. Le dépôt du rapport était initialement prévu pour le 1er janvier 2024 mais le délai imparti avait été prolongé une première fois jusqu’au 30 avril 2024 pour finalement être arrêté au mois de mars 2025. Or, fin 2024, certains habitants de l’immeuble avaient saisi le juge des référés aux fins que la procédure d’expertise leur soit déclarée commune et opposable.
Les riverains condamnés à payer 1 000 euros à l'exploitant
Le juge a rejeté la demande des requérants en considérant qu’ils « [avaient] fait preuve d’un manque de diligence qui [aurait] nécessairement pour conséquence de repousser le dépôt final du rapport ». C’est la raison pour laquelle il les a déboutés de leur demande et les a condamnés à payer 1 000 euros à l'exploitant du complexe sportif au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Le syndicat de copropriétaires n'agit en principe que dans le cadre d'un litige vraiment collectif
Que penser du rejet par le juge de la demande des voisins visant à ce que l’expertise leur soit rendue commune et opposable ? En principe, face à des nuisances sonores générées par un voisin, un syndicat de copropriétaires n’a qualité à agir que dans le cadre d’un litige véritablement collectif, qui concerne la copropriété et les occupants de l’immeuble dans leur globalité et non uniquement quelques propriétaires occupants.
Toutefois, à l’occasion d’une procédure de référé, le juge ne va généralement pas débouter le syndicat sur ce fondement en considérant que l’expertise à venir permettra de savoir si le litige concerne ou non la copropriété dans sa globalité et si le litige présente bien ainsi un caractère collectif.
C’est donc pour l’action au fond que le potentiel défaut de qualité à agir du syndicat représentait un grand risque pour les demandeurs puisqu’ils pourraient être considérés comme n’ayant pas d’intérêt à agir et se voir opposer une fin de non-recevoir.
Malgré ce risque, nombreux sont les copropriétaires s’estimant victimes de nuisances sonores qui instrumentalisent le syndicat des copropriétaires afin qu’il agisse à leur place pour que les frais soient supportés par le syndicat, et donc in fine répartis entre tous les copropriétaires et non uniquement entre les copropriétaires victimes des nuisances sonores.
Par ailleurs, le risque pour les copropriétaires n’est pas seulement que le syndic soit débouté au fond pour défaut de qualité à agir. Même dans le cas où le juge du fond considérerait l’action du syndic comme recevable, ce dernier ne pourrait demander que la cessation des nuisances sonores et non la réparation des préjudices subis puisqu’il est une personne morale, qui n’a donc pas d’oreilles et qui, par conséquent, ne peut prétendre subir un quelconque préjudice de jouissance ou de santé du fait des nuisances sonores.
La conciliation ? Quelle conciliation ?
Par ailleurs, en matière de bruits de voisinage, les parties doivent, avant tout recours en justice, procéder à une tentative de conciliation, l’idée étant de ne pas engorger les juridictions avec des affaires qui auraient pu être réglées amiablement (article 750-1 du Code de procédure civile).
Dans cette affaire, le juge des référés a précisé qu’il n'était pas nécessaire dans ce cas précis que les parties passent par l'étape du réglement amiable ou de la tentative de réglement amiable du conflit, particulièrement par la conciliation. En effet, une demande tendant à voir prononcer une expertise commune et opposable à une partie intéressée au litige n’est pas soumise à l’obligation de tentative préalable de conciliation. Il a estimé que cette demande ne correspondait « ni au paiement d’une somme excédant la somme de 5 000 € ni [à] une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du Code de l’organisation judiciaire ni à un trouble anormal de voisinage » et que par conséquent elle n’était pas soumise à l’obligation de tentative préalable de conciliation.
En savoir plus en consultant :
- La fiche n°62 (format PDF),
- L'ordonnance de référé du Tribunal judiciaire de PARIS du 16 janvier 2025 (n° 24/57172).
Auteur :
Christophe SANSON
Avocat Associé - SELARL AVOCAT BRUIT
Barreau des Hauts-de-Seine
Docteur en Droit (HDR)
Maître de Conférences
http://www.christophe-sanson-avocat.fr
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