Dans cette affaire, les victimes de nuisances sonores émanant d’un restaurant avaient sollicité le juge des référés afin qu’il ordonne la réalisation d’une expertise judiciaire pour objectiver les troubles qu’ils subissaient. Après un refus en première instance, elles ont finalement obtenu cette mesure d’instruction en appel. Découvrez comment, dans cette analyse de la décision de la Cour d'appel de Paris du 21 mars 2025 (n° 24/11620) par l'avocat Maître Christophe Sanson.
Le restaurant bruyant les a contraint à déménager
Un couple propriétaire d’un appartement parisien avait donné à bail à un autre couple leur appartement situé au 1er étage d’un immeuble au rez-de-chaussée duquel était exploité un restaurant. Entre juillet 2022 et septembre 2024, le couple locataire subit d’importantes nuisances sonores prenant la forme de bruits aériens liés aux voix et cris des clients et de bruits d’impacts générés par le déplacement du mobilier dans le restaurant auxquels s’ajoutait la diffusion de musique à un volume sonore élevé. L’intensité des nuisances sonores était telle que le couple locataire avait finalement été contraint de déménager dans un appartement du même immeuble situé à l’étage supérieur.
Face à cette situation, les victimes des nuisances sonores ont cherché à prendre contact avec la société exploitant le restaurant, avant de déposer une main courante et d’avertir la police municipale ainsi que les services de la ville face à l’impossibilité de parvenir à une solution amiable. En décembre 2023, le Bureau d’actions contre les nuisances professionnelles a constaté les manquements du restaurant à la réglementation, manquements confirmés par un rapport acoustique établi par un Bureau d’Études Techniques missionné par les propriétaires de l’appartement des victimes ainsi que par un procès-verbal de constat d’huissier, et des attestations de témoins.
Ayant déménagé, les voisins avaient-ils encore intérêt à agir ?
Les deux couples ont alors sollicité du juge des référés du Tribunal judicaire de Paris qu’il ordonne la réalisation d’une expertise judiciaire afin d’objectiver les nuisances sonores de manière contradictoire dans le but d’agir au fond en indemnisation des préjudices subis. Le juge des référés ayant rejeté leur demande, les demandeurs avaient fait appel de cette décision, demandant à la Cour d’appel d’infirmer l’ordonnance du juge des référés et d’ordonner la réalisation d’une expertise judiciaire. La société exploitant le restaurant restait opposée à l’expertise judiciaire et considérait le couple de locataire irrecevable à agir en estimant qu’ayant déménagé il n’était plus concerné par le litige et n’avait donc plus d’intérêt à agir. Par ailleurs elle demandait la condamnation des demandeurs au paiement de la somme de 10 000 euros en raison du caractère abusif de la procédure et 6 000 euros au titre des frais et dépens.
Par son ordonnance du 21 mars 2025, la Cour d’appel de Paris a débouté la société exploitant le restaurant de ses demandes de dommages et intérêts et de remboursement des frais d’avocat. Elle a également infirmé l’ordonnance de référé et a fait droit à la demande des appelants en ordonnant la réalisation d’une expertise.
Cet arrêt de la Cour d’appel de Paris est particulièrement intéressant car il permet tout d’abord de revenir sur la notion d’intérêt à agir et plus spécifiquement sur le moment auquel il faut se placer pour apprécier cette notion. Il rappelle également que l’article 145 du Code de procédure civile, permettant d’obtenir une mesure d’instruction avant tout procès au fond, prévoit des conditions claires qui, dès lors qu’elles sont remplies, doivent permettre au juge d’ordonner la réalisation de la mesure sollicitée.
Sources :
- Fiche n°64 (format PDF) ;
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Arrêt de la Cour d’appel de PARIS du 21 mars 2025, n° 24/11620.
Auteur :
Christophe SANSON
Avocat Associé - SELARL AVOCAT BRUIT
Barreau des Hauts-de-Seine
Docteur en Droit (HDR)
Maître de Conférences
http://www.christophe-sanson-avocat.fr
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