La Chambre d'agriculture de l'Orne (61) demandait 354 000 euros de dédommagements à la suite de la dégradation de l'acoustique du bâtiment accueillant son siège, elle n'aura pas gain de cause. Par une décision du 30 décembre 2024, le Conseil d’État a confirmé la décision des juges du fond : la Chambre d'agriculture ayant laissé prescrire l’action en responsabilité contractuelle contre le constructeur, elle ne peut obtenir réparation. La prescription est en effet de cinq ans, et court à partir de la connaissance de l'étendue du dommage.
Des nuisances sonores provoquées par le sifflement du vent dans les fenêtres
En 2010, la Chambre d'agriculture de l'Orne souhaite rénover le bâtiment accueillant son siège en faisant appel à une société de menuiserie. Le projet est de changer les 222 fenêtres du bâtiment. Alors que 186 fenêtres ont déjà été remplacées, le chantier est stoppé net : les membres de la Chambres se rendent compte que le bruit du vent sur les nouvelles fenêtres génère un bruit d'une forte intensité.
A la demande de la Chambre en 2010, un constat d'huissier de justice fait état d'un bruit fort causé par le fracas du vent, pourtant moderé, sur les fenêtres neuves. Ce bruit, audible dans les pièces du bâtiment, a de forte repercussions dans les aigus et donne l'impression d'un vent violent, sans commune mesure avec le ressenti extérieur. Dans les pièces équipées d'anciennes fenêtres, le bruit du vent est faible.
En 2020, la Chambre d'agriculture porte sa plainte devant la justice administrative contre la société de menuiserie et le fabricant des fenêtres. En 2022, le tribunal administratif de Caen rejette une première fois leur demande, suivi de la Cour administrative d'appel de Nantes en 2023.
Nuisances sonores : quel délai pour agir en justice ?
La décision du Conseil d'Etat ne s'attarde pas sur le fond, elle traite de l'importance de la prescription.
En France, le maître d'ouvrage peut engager la responsabilité du constructeur, mais aussi des participants à une opération de construction sur le terrain quasi-délictuel. Pour ce faire, la victime a cinq ans pour agir, à partir du jour où elle a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer (article 2224 du Code civil). Il est donc nécessaire de veiller à bien agir sous cinq ans. Mais il faut également bien faire attention à la date de départ de la prescription : la prescription court à compter de la manifestation du dommage, c'est-à-dire de la date à laquelle la victime a une connaissance suffisamment certaine de l'étendue du dommage, quand bien même le responsable de celui-ci ne serait à cette date pas encore déterminé. Et ce délai est bien applicable en l'absence de réception des travaux.
En l'espèce, la créance dont la Chambre d'agriculture entend se prévaloir était prescrite au moment de l'introduction de sa requête en 2020, soit dix ans après la connaissances des faits. La prescription court à partir de la connaissance des nuisances. Or, la Chambre avait une connaissance suffisamment certaine de l'étendue du dommage dès 2010. C'est à cette date que la perscription a commencé à courir, même si elle ne savait pas encore en 2010 que les nuisances sonores dépassaient l'émergence globale prévue par le Code de la santé publique.
La Chambre d’agriculture de la région Normandie qui remplace aujourd'hui celle de l’Orne, devra verser 3 000 euros aux deux sociétés pour leurs frais de justice.
Pour mémoire, en 2024, l’Union des Fabricants de Menuiserie (UFME), qui représente la filière des portes et des fenêtres, a édité un guide présentant succinctement les principales aides financières et incitations fiscales de l'Etat contribuant à réaliser des travaux de rénovation énergétique performants. Un autre guide publié en juillet par l'Agence nationale de l'Habitat (Anah) donne un complément d'informations.
Sources :
- Décision du Conseil d'Etat, 7ème - 2ème chambres réunies, 30 décembre 2024, n°91818Décision du Conseil d'Etat, 7ème - 2ème chambres réunies, 30 décembre 2024, n°91818 ;
- Pourquoi il ne faut pas attendre pour agir en justice : le piège de la prescription quinquennale de l’action civile dans la lutte contre le trouble
anormal de voisinage - Christophe Sanson - www.bruit.fr .
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