Le 14 août, le Tribunal judiciaire de Bayonne (64) a ordonné la suspension immédiate des travaux d'une ligne très haute tension, sur l'unique fondement de l'impact grave du bruit du chantier sur la biodiversité sous-marine. L'utilisation de sonars pour cartographier les fons sous-marins aurait pu tuer plus de 17 espèces. C'est une décision historique.
Lancé en 2018, le projet de construction de 400 kilomètres de lignes électriques à très haute tension (400 000 volts) dans le golfe de Gascogne est pilotée par Réseau de transport d’électricité (RTE) et la REE (Red Eléctrica de España). Prévu pour 2027, il prévoit de relier électriquement la France et l’Espagne, entre Cubnezais (Gironde) et Gatixa (au nord de Bilbao). Il était prévu d'effectuer des pré-travaux d'enfouissement d'un câble, pour réaliser les études de cartographie des fonds marins à l'aide de sonars. Ces sonars peuvent émettre jusqu’à 220 décibels.
Pour répondre au recours pénal environnemental en référé de trois associations, LAE, Sea Sheperd France et Défense des milieux aquatiques, la justice a nommé un bioacousticien, intervenu à titre d’expert judiciaire. Ce dernier a mis en exergue la menace qui représente le projet pour de nombreuses espèces protégées sous-marines (dauphins, grands cachalots, orques, mollusques, poissons migrateurs, etc.), toutes classées espèces protégées.
Le bioacoustien a démontré que la puissance de ces sonars tuerait au moins 17 espèces. Dans le golfe, le Gouf, un canyon sous-marin leur offre un habitat idyllique, favorisant le développement de nombreux cétacés. « Les cétacés sont très sensibles à cette pollution sonore. Ils peuvent être effrayés et remonter trop vite à la surface, ce qui provoque des accidents de décompression [pathologie survenant lors d’une diminution trop rapide de la pression atmosphérique]. Cela peut entraîner des échouages, perturber la communication, le nourrissage et la reproduction des mammifères marins », explique Me Marion Crécent, avocate de Sea Shepherd France. Le projet présentait une étude de l'impact du chantier sur la biodiversité, mais le protocole de protection des mammifères marins cessait d’être appliqué dès le passage de la frontière française, alors qu’il l’était en Espagne.
RTE doit immédiatement prendre des mesures
Le tribunal a alors ordonné à RTE, avant toute reprise des travaux, la mise en place d’une zone d’exclusion de 750 mètres autour de la zone d’émission des sonars et le démarrage progressif des émissions sonores, ainsi qu’une surveillance acoustique et visuelle à bord des navires. Cette surveillance permettra l’arrêt total des activités en cas de présence détectée d’animaux dans la zone et jusqu’à vingt minutes après leur départ. RTE doit également réaliser une étude d’impact de l’utilisation de sonars dans cette zone, et un plan d’atténuation des effets du bruit sur les milieux aquatiques. Enfin, le gestionnaire doit publier un rapport mensuel garantissant l’effectivités des mesures ordonnées. Il dispose d’un mois pour fournir ces documents, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard.
Pour RTE, les sondages en mer avaient pourtant été autorisés par l'État en septembre 2023. Les associations dénoncent une autorisation trop légère, ne tenant pas compte de l'avis défavorable du Conseil National de la Protection de la Nature (CNPN) d'août 2022. Cette instance indépendante avait non seulement pointé du doigt la non-prise en compte de l'impact des sonars sur la faune, mais aussi les autres bruits provoqués par les travaux. Les associations défenderesses déplorent aussi l'absence d'altnerative envisagée pour construire la ligne par voie terrestre.
En parallèle de ce référé pénal environnemental, les associations ont déposé une plainte. Le parquet de Bayonne a ouvert uen enquête pour déterminer les responsabilités des entreprises à propos de l’utilisation potentiellement infractionnelle des sonars. Il serait aussi question d'un appel pour contester la légalité de l'autorisation environnementale devant le tribunal administratif de Bordeaux.
Mise à jour : RTE aurait repris les travaux après avoir mis en place les mesures prescrites.
Source : Voir notre rubrique Bruit et biodiversité