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Acoustique des bâtiments à usage d’habitation : quelques cas de jurisprudence

Sont rassemblés ici quelques commentaires de jurisprudence qui illustrent la variété des décisions des juges en matière de contentieux pour désordre acoustique dans l’habitat.

Non-conformité acoustique ne suffisant pas à démontrer la réalité des agissements frauduleux des constructeurs

Le litige a trouvé son origine dans des nuisances acoustiques impliquant des travaux de pose de carrelage réalisés dans l’appartement de particuliers à leur initiative, ainsi que le matériau acoustique inefficace, mis en œuvre en cours de construction de l’immeuble lors de la réalisation de la chape de l’appartement en question. Ainsi, s’est notamment posée la question de l’existence d’une faute dolosive de la part du constructeur, du fait que la protection posée ne correspondait pas à celle commandée par le maître d’œuvre et qu’elle apportait donc une protection acoustique moins performante. On rappellera qu’il y a manœuvre dolosive1 si le constructeur a, de manière délibérée, violé par dissimulation ou par fraude ses obligations contractuelles, et s’il en résulte un préjudice rendant notamment l’ouvrage impropre à sa destination. La Cour a estimé que la non-conformité acoustique, même patente, ne suffisait pas à démontrer la réalité des agissements frauduleux des constructeurs, leur volonté de nuire : les juges ont donc admis que l’entrepreneur ait pu, par négligence ou imprudence, croire que le produit isolant présentait des garanties de performance suffisantes, au lieu d’en vérifier la conformité à la commande et les performances. Concernant les vices de construction de l’appartement en cause, la cour a ajouté que la pose d’un nouvel isolant et la réalisation d’une nouvelle chape incombaient au syndicat des copropriétaires. Celui-ci doit en effet répondre de plein droit envers les copropriétaires des vices de constructions affectant les parties communes. Mais la pose du carrelage mural (considéré comme une partie privative) sur la nouvelle chape doit, elle, être réalisée par les seuls propriétaires : en effet la pose directe du carrelage contre les murs périphériques a occasionné un pont acoustique participant à la transmission des bruits d’impact, ce qui a entraîné un trouble de jouissance à leurs voisins.
Cour d'appel de Paris (19ème chambre, section A), 17 novembre 2003 (n° 2002/11143)

1 La faute dolosive est celle que commet un contractant qui, de propos délibérés, se refuse à exécuter ses obligations contractuelles, même si ce refus n'est pas dicté par l'intention de nuire.

Vice caché de la chose vendue entraînant des nuisances sonores

Ont été en cause dans la présente affaire des nuisances sonores provenant de la chaufferie située dans le sous-sol d’un immeuble, directement sous l’appartement de l’acquéreur. La cour a considéré qu’il s’agissait d’un vice caché que l’acquéreur ne pouvait pas lui-même déceler : ayant visité l’appartement avant l’acquisition durant la période d’été, il n’a pu s’apercevoir de telles nuisances avant la mise en route de la chaudière. De plus, les vendeurs avaient affirmé que l’appartement était très calme et avaient sciemment dissimulé le vice. En effet, un appartement dans lequel sont enregistrées la nuit des émergences d’environ 6 à 7 dB(A) par rapport au niveau résiduel, provoquées par le système de chauffage alimentant l’appartement, ne répond pas aux qualités acoustiques normalement attendues. Dés lors, ces nuisances acoustiques ont bien été considérées comme un défaut caché de la chose vendue, qui l’a rendue impropre à sa destination, au sens de l’article 1641 du code civil. La mauvaise foi des vendeurs étant établie, ceux-ci n’ont donc pas pu se prévaloir de la clause de non-garantie prévue à l’acte de vente.
Cour d'appel de Paris (2ème chambre), 23 février 1999, Meterich c/Diallo (Droit 1999, n°15, p.106)

 

 

Responsabilité du bailleur concernant les défauts de construction

Le litige trouve son origine dans des nuisances sonores provoquées par des bruits aériens et d’impacts subis par les occupants d’un immeuble, provenant de l’appartement du dessus, loué par une société immobilière. Après avoir rappelé que le respect de la réglementation n’entraînait pas nécessairement l’absence de nuisances, la cour a constaté que certains bruits aériens et d’impacts excédaient manifestement les inconvénients normaux de voisinage (du fait de leur émergence, leur fréquence et leurs caractéristiques spectrales), même s’ils n’étaient pas supérieurs aux limites réglementaires. En effet, l’expertise a souligné que les défauts provenaient d’une erreur de conception et d’installation (pour le faux-plafond), d’un excès de cloisons légères entre plusieurs pièces dans l’appartement des victimes et d’une absence d’isolation des marches de l’escalier de l’appartement d’où venaient les troubles. La cour a estimé que de tels défauts relevaient de la responsabilité du bailleur qui répond, vis-à-vis de ses locataires, des défauts de construction de l’immeuble. Quant aux locataires de l’appartement d’où provenaient les troubles, ils n’ont été tenus responsables que de la de la mauvaise exécution des travaux de carrelage dans les pièces humides. La cour est revenue sur le partage de responsabilité fait en première instance entre le bailleur et les locataires : elle a estimé que la société bailleresse devait effectuer les travaux nécessaires pour remédier aux bruits aériens et d’impacts, à l’exception de ceux relatifs à l’isolation du carrelage. De plus, la société immobilière a été condamnée à payer des dommages-intérêts du fait des préjudices relatifs aux bruits d’impacts et aérien, de même que le préjudice dû aux bruits d’impacts sur le carrelage de la cuisine, qui est consécutif à une faute de conception (qui a consisté à placer une chambre sous une cuisine sans prévoir d’isolation acoustique spécifique).
Cour d’appel de Paris (19e chambre), 29 juin 2001 (n° 2000/09444)

 

 

Application de la responsabilité contractuelle du vendeur pour des vices cachés

Un couple avait acheté à une société civile immobilière un terrain et une maison en l’état futur d’achèvement. Mais, dès leur entrée dans les lieux, ils avaient constaté des nuisances sonores dues à des points de contact entre leur immeuble et la maison mitoyenne de la leur. En appel, les époux avaient obtenu la condamnation de la SCI et de son assureur à réparer les vices cachés, et avaient donc été autorisés à faire exécuter les travaux de reprise. La cour de cassation a approuvé la décision de la cour d’appel, au motif que les nuisances sonores constatées ne rendaient pas l’immeuble impropre à sa destination, mais qu’il s’agissait d’une non-conformité au cahier des charges de nature à engager la responsabilité contractuelle de la SCI, et non d’un vice de nature décennale ou d’une non-conformité aux prescriptions légales ou réglementaires.
Cour de Cassation, 3ème chambre civile, 10 novembre 1998, époux Ventresque (96-19 ; 870)

Responsabilité contractuelle du maître d’ouvrage pour non respect de promesses publicitaires concernant la qualité acoustique

Des particuliers avaient acquis d’une société civile immobilière, maître de l’ouvrage, des appartements en l’état futur d’achèvement, dans un groupe d’immeuble édifié avec le concours d’une société d’architectes, chargée d’une mission complète de maîtrise d’œuvre et notamment de contrôle de l’isolation acoustique. La cour d’appel avait estimé que lorsque le promoteur vendeur – ici, la SCI – avait promis, dans un document publicitaire, que l’isolation acoustique ferait l’objet d’une attention particulière, les prestations acoustiques ne devaient pas seulement respecter la réglementation en vigueur, mais être de bien meilleure qualité. Dès lors, la responsabilité contractuelle de la SCI était engagée. Toutefois, le fait que la SCI, en tant que maître de l’ouvrage, se soit réservé la direction de l’exécution des travaux et l’assistance aux opérations de réception, n’a pas suffi pas à caractériser son immixtion fautive ou son acceptation délibérée des risques. En revanche, la cour n’est pas revenue sur la condamnation des architectes, car ils ont été nécessairement informés de la qualité du programme immobilier et des exigences requises pour l’isolation acoustique.

Cour de cassation, 3ème chambre civile, 8 juin 2004 (02-19739)

 

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