Le 11 décembre le réseau Île-de-France Santé et Environnement (ISEE) diffusait son dernier Débat-conf’ÎSEE de l’année 2020 sur la thématique de la pollution sonore et du confinement. Organisé avec la participation du Centre d’information sur le Bruit (CidB), de Bruitparif et du conseil départemental du Val-de-Marne, ce quatrième webinaire s’intéressait aux effets de la crise sanitaire sur notre environnement sonore.
Trois experts étaient conviés : Valérie Rozec, responsable de projets en santé environnement et psychologue de l’environnement au CidB, Antoine Perez Munoz, chef de projet sur l’accompagnement des politiques publiques chez Bruitparif et Franck Picot, chargé de projets au département du Val-de-Marne.
Valérie Rozec a présenté les résultats de l'enquête du CidB sur l’évolution de la perception du bruit liée à la crise sanitaire. L’enquête, menée du 26 mai au 26 juin auprès de 1996 répondants, avait pour objectif de comprendre la relation des répondants à leur environnement sonore, leurs attentes et les actions selon eux envisageables pour améliorer la qualité de cet environnement. Les résultats permettent de comparer la perception des répondants sur différentes périodes : avant, pendant et après le confinement.
L’enquête nous apprend que durant le confinement une baisse notable de la gêne est liée aux bruits routiers. L’amélioration de l’environnement sonore des répondants est cependant nuancée par l’implantation de nouveaux bruits tels que ceux de la nature. Il en ressort aussi que la gêne découle surtout de bruits internes à l’habitat (musique, comportement des voisins), ce qui entrave la concentration et impacte le télétravail.
En sortie de confinement, 57% des répondants sont plus sensibles à leur environnement sonore, les bruits de voisinage (bricolage, bars, commerces etc.) apparaissent comme les plus gênants pour les riverains. Ces changements dans l’environnement sonore et la perception de celui-ci ont engagé chez les répondants des réflexions quant aux évolutions envisageables. Les changements proposés par les répondants visent surtout un renforcement des réglementations concernant le bruit ainsi qu’une plus grande prise en compte de cette thématique. Cela passerait par une meilleure régulation de la circulation des modes de transport bruyants. Les propositions mettent aussi l’accent sur la responsabilisation face au bruit afin d‘assurer à tout un chacun le droit à la tranquillité et au repos. Ce travail sur le civisme s’accompagnerait de plus de sensibilisation sur les questions de pollution sonore auprès de la population.
Lorsqu’on leur demande qui peut impulser ces changements, les répondants sont 72% à répondre que l’action doit être individuelle. Sont aussi considérés comme acteurs clefs l’État, les collectivités territoriales, les urbanistes, les architectes et les professionnels du bâtiment. Les principaux leviers de changements envisagés sont réglementaires et pédagogiques.
Antoine Perez Munoz a exposé quelques effets du confinement et du déconfinement sur l’environnement sonore par le biais de l'enquête de Bruitparif sur le sujet. Ces données concernent essentiellement les bruits routiers, ferroviaires et aériens. Elles ont été récoltées par l’exploitation d’un réseau de stations de mesure du bruit disséminées en île-de-France. Elles indiquent une réduction sensible du bruit lié au trafic routier (jusqu’à 9 dB Lden), le plus impactant pour les riverains. Cette diminution est surtout visible la nuit et touche la voirie à l'intérieur des villes plus que les grands axes de circulation tels que les autoroutes, nationales et le périphérique. Le même phénomène est observable à propos du bruit ferroviaire, dans de moindres proportions. À la suite du pic de diminution on remarque toutefois une remontée progressive des niveaux de bruit accompagnant le déconfinement. Tous bruits de transport confondus, on remarque une diminution du nombre de territoires impactés par les bruits extrêmes. Cette influence du confinement se ressent aussi sur l’indicateur synthétique du nombre d’années en bonne santé perdues qui s’est amélioré durant cette période.
En prenant en exemple le département du Val-de-Marne qui a fait de la lutte contre le bruit une priorité, Franck Picot a mis en avant les leviers d’action politique qui peuvent être saisis. Cela commence par un diagnostic de la situation via les cartes sonores pour construire les plans de prévention du bruit de l’environnement. Ces PPBE permettent d’identifier les sources de pollution sonores ainsi que les zones et populations les plus exposées. Sur base de ces constats, l’action politique du Val-de-Marne en la matière envisage des objectifs supérieurs à ceux légalement fixés. Elle vise essentiellement le bruit routier avec des actions restrictives quant à l'utilisation de la voiture dans le département et des investissements dans le développement des transports en commun.
D’après l’Ademe (Agence de la transition écologique), il faudrait 100 millions d’euros par an pour résorber d’ici vingt ans les points noirs du bruit visés par les PPBE. Sur ce constat, les trois intervenants s’accordent pour axer la lutte contre la pollution sonore autour d’actions préventives qui s‘avéreraient efficaces sur le long terme.
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