Skip to main content

Veau, vache, cochon, couvée et...poulailler ! #épisode2

Si vous avez choisi de passer vos vacances à la campagne, votre repos peut être de courte durée. Voilà l’été, et les bruits si spécifiques à cette période de l’année. A cette occasion, nous vous proposons une saga estivale de la réglementation et de la jurisprudence encadrant les nuisances sonores estivales. Effaroucheurs d’oiseaux, chant du coq, cloches bovines, travaux agricoles... Cette deuxième chronique est consacrée aux bruits « ruraux ».  

campagneElevages et travaux agricoles

 
Si l'été à la campagne est synonyme de repos pour certains, c'est également la période des moissons pour les agriculteurs. Les engins agricoles peuvent travailler dans les champs en journée et jusque tard le soir, (leur activité dépendant de la météo), ce qui peut être à l'origine de nuisances sonore inattendues. Le bruit des engins agricoles est encadré par la réglementation applicable aux bruits d’activités professionnelles. Lorsque le bruit a pour origine une activité professionnelle, la tranquillité du voisinage ou la santé de l'homme est atteinte si certaines valeurs d'émergence fixées par la réglementation sont dépassées. Ainsi, les valeurs admises de l'émergence sonore sont calculées à partir des valeurs de 5 dB(A) en période diurne (de 7h00 à 22h00) et de 3 dB(A) en période nocturne (de 22h00 à 7h00). Attention, certaines activités agricoles, notamment certains élevages, sont des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) et doivent répondre à d'autres obligations, celles du Code de l'environnement.
 
> Pour en savoir plus sur le bruit des activités (droits et démarches)
> Pour en savoir plus sur le bruit des sites industriels (ICPE).
 
Par ailleurs, certaines Chambres d'agriculture cosignent des chartes de bon voisinage à la campagne avec les acteurs ruraux du territoire (élus locaux, fédérations de chasse, organismes agricoles...). Maires, particuliers et agriculteurs s'engagent à respecter un certain nombre de règles de « vivre ensemble ». La charte peut par exemple imposer aux agriculteurs de prévenir en amont les riverains en cas de bruit inhabituel prolongé et intense. 
 
> Consulter la Charte de bon voisinage de la Chambres d’agriculture des Hauts de France
> Consulter la Charte de bon voisinage de la Chambres d’agriculture du Lot-et-Garonne
> Consulter la Charte de bon voisinage de la Chambres d’agriculture du Cher 
 
La jurisprudence a tendance à considérer que les engins agricoles font partie du paysage. La circulation d'engins agricoles en période de récoltes ne peut pas être considérée comme anormale dans une localité à vocation agricole (Cour d'appel de Toulouse, 4 novembre 1996, n° 1996-045827). De même, le bruit des cloches bovines dans une zone agricole ne peut pas être source de désagréments anormaux (Cour d'appel de Riom, 15 juin 2006, n°06/00181) : « il est en effet naturel, en pays d'élevage traditionnel, d'entendre le bruit des cloches portées par des vaches, ce que les propriétaires voisins lorsqu'ils se sont installés ne pouvaient ignorer. Dès lors n'y a-t-il pas trouble anormal de voisinage compte tenu notamment des lieux et de leur destination ». Attention toutefois si l'élevage est de type industriel, il est pour le juge plus difficile à supporter en zone rurale (Cour d'appel d'Agen, chambre civile 1, 15 mars 2006, 313).
 
Enfin, il faut savoir que les exploitants agricoles bénéficient d'un droit d'antériorité (article L112-16 du Code de la construction et de l'habitation) : les nuisances causées aux occupants d'habitations voisines de l'exploitation n'entraînent pas droit à réparation lorsque le permis de construire de la maison a été demandé alors que l'activité agricole existait déjà. Ce droit d'antériorité n'est valable que si l'exploitant respecte la réglementation, et notamment les valeurs d'émergence.
 

Les canons effaroucheurs d’oiseaux

Utilisés pour empêcher les oiseaux de picorer les graines durant leur période de germination, les canons « effaroucheurs » peuvent nuire au voisinage rural. Le bruit de ces machines est considéré comme un bruit d’activités. A ce titre, l’exploitant agricole doit respecter des valeurs d'émergence pour les bruits liés à une activité professionnelle. Les petites communes peuvent se faire assister des services de l'Agence régionale de santé (ARS) compétentes en matière de bruit, notamment pour le constat des infractions nécessitant une mesure acoustique. Quoi qu'il en soit, compte tenu de la durée d'apparition très brève des coups de canon (même si l'on cumule tous les coups sur une journée), il n'est pas certain que cette réglementation soit adaptée à ce type de nuisance sonore, très bruyante certes, mais très intermittente. Autrement dit, le critère d'émergence peut ne pas suffire à objectiver la gêne perçue. Le maire ou les services de l'ARS peuvent tenter la voie de la médiation. Dans ce cadre, diverses solutions pratiques peuvent être proposées.
 
De plus, des arrêtés préfectoraux ont instauré des horaires d'utilisation et des distances d'éloignement par rapport aux habitations des riverains. A Angers, un arrêté préfectoral du 12 avril 2018 portant sur la lutte contre les bruits de voisinage impose à la Chambre d’agriculture d'informer le Préfet et les maires des périodes d’utilisation de ces appareils. C’est ainsi que la Chambre a retenu deux périodes pendant lesquelles ces appareils sont autorisés (du 10 avril au 10 juin 2020, et une autre période est à venir). 
Si les « effaroucheurs » sont installés par des particuliers dans leur jardin, ils peuvent également excéder les inconvénients normaux de voisinage. Récemment, les juges ont condamné un voisin à enlever son poteau comportant des effaroucheurs sous deux mois, sous peine d'astreinte de 50 euros par jour de retard (Cour d'appel de Versailles, 1re chambre, 1re section, 11 mars 2010, n° 08/09499).
 
Et les oiseaux ne sont pas les seuls qu'on effarouche ! Des dispositifs d'effarouchement sonore de l'ours brun ont été mis en place à titre expérimental dans les Pyrénées afin de prévenir les dommages des troupeaux (arrêté du 12 juin 2020).
 

Coq, grenouilles et cigales : un concert naturel

 
Le coq Maurice, roi de tous les médias durant l'été 2019, est mort, mais la jurisprudence est bien vivante, et constante.  En milieu rural, le chant du coq fait l‘objet d’une certaine tolérance jurisprudentielle. Le chant d'un coq est considéré par le juge comme un trouble à la tranquillité publique s’il s'exerce sans discontinuer la nuit à partir de quatre heures (Cour d’appel de Bordeaux, 29 février 1996, n° 199-042496). Rappelons toutefois que le bruit de l’animal est imputable à son propriétaire, par exemple s'il laisse chanter son coq .
> Pour en savoir plus sur le bruit des animaux
 
Cependant, n'est pas rural qui veut. Très récemment, le juge a condamné le propriétaire d'un poulailler qu'il avait installé dans la cour de son immeuble, ce qui causait des inconvénients anormaux de voisinage. L'amateur de poules arguait que le règlement de copropriété (les deux parties étant copropriétaires) n'interdisait pas l'installation du poulailler. Le juge d'appel a considéré le trouble comme anormal compte tenu de la proximité de la chambre et du salon des plaignants avec l'enclos. Le propriétaire des poules devra démonter le poulailler et payer des dommages et intérêts aux voisins (Cour d'appel de Grenoble, 1ère chambre, 2 juin 2020, n° 18/05068).
 

Et le patrimoine sonore des campagnes françaises dans tout ça ? 

 
Une proposition de loi sur le patrimoine sonore des campagnes françaises avait été déposée par des députés en septembre 2019. La proposition entend inscrire les émissions sonores et olfactives au patrimoine sensoriel des campagnes, et leur permettre une protection juridique particulière. La proposition de loi a été adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale en janvier 2020 et est toujours en étude à la Commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Affaire à suivre...
 
> Pour en savoir plus sur la proposition de loi
Une question sur le bruit ?