Si vous avez choisi de passer vos vacances à la montagne, votre repos peut être de courte durée. Voilà l’été, et les bruits si spécifiques à cette période de l’année. A cette occasion, nous vous proposons une saga estivale de la réglementation et de la jurisprudence encadrant les nuisances sonores estivales. Télésièges, sports motorisés, cloches des vaches...Cette troisième et dernière chronique est consacrée aux bruits de la montagne.
Les enjeux tant économiques qu’environnementaux de la montagne sont revus cette année avec la sortie d'un rapport gouvernemental du 4 mars 2020 sur l'évolution de la "loi montagne II". Adoptée en 2016, cette loi visait essentiellement à lutter contre la banalisation des territoires de montagne en promouvant la "montagne verte" au niveau de l’urbanisme, du tourisme et de la biodiversité. Le rapport publié en mars dernier fait le point sur les avancées de cette loi sur le terrain. En matière de bruit, ni la loi ni le rapport n'y consacrent des dispositions particulières. Exception faite pour le rapport, qui indique que les chantiers planifiés pour diversifier les activités touristiques en station devront tenir compte de toutes les nuisances qu'ils seront susceptibles d'apporter aux vacanciers.
Remontées mécaniques
Née de la transposition d'une directive européenne, la réglementation française impose au fabriquant de remontées mécaniques de concevoir les remontées de manière à ce que les nuisances internes et externes résultant du bruit ou des vibrations ne dépassent pas les valeurs limites prescrites (article 2.9 du décret n°2003-426 du 9 mai 2003). Les valeurs limites prescrites sont celles prévues pour les bruits d'activités. Les valeurs admises de l'émergence sont calculées à partir des valeurs de 5 dB(A) en période diurne (de 7h00 à 22h00) et de 3 dB(A) en période nocturne (de 22h00 à 7h00). Aujourd'hui, certains fabricants investissent dans l'innovation pour concevoir des télésièges économes, notamment en émissions sonores. C'est par exemple le cas de la société Poma qui réduit le niveau sonore de l'installation en fonctionnement d'au moins 15 dB(A) !
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Par ailleurs, rappelons que le maire est garant de la tranquillité publique de ses administrés. En cas de trouble du voisinage causé par le moteur de remontées mécaniques, il doit exercer ses pouvoirs de police et son pouvoir de constater les infractions. De plus, la commune a souvent le pouvoir de collectivité concédante du service des remontées mécaniques. A ce titre, elle peut modifier ou faire respecter les obligations de son concessionnaire, notamment en matière de bruit. Dans une affaire débutant en 1989, le maire de Val d'Isère refusait d'ordonner le déplacement du moteur du télésiège du Santel, qui causait d'importantes nuisances sonores aux habitants d'un immeuble situé à 30 mètres de la remontée. Or, le maire étant garant de la tranquillité publique, il ne pouvait s'abstenir de prendre des mesures pour faire cesser les nuisances. L'édile avait été informé de cette situation par lettre du gestionnaire de l'immeuble. Des mesures acoustiques avaient également été réalisées par un bureau d'études à la demande de la société immobilière. Le juge a reconnu la faute du maire, de nature à engager la responsabilité de la commune (Cour administrative d'appel de Lyon, 1e chambre, du 15 octobre 1998, n° 97LY02711).
Quads, motos, et sports motorisés
Le bruit des circuits de sports mécaniques est encadré par la réglementation relative aux bruits de voisinage liés aux activités professionnelles. Ces évènements doivent respecter les critères d'émergence fixés. En zone de montagne, la création d'unités touristiques nouvelles (UTN) ayant pour objet l'aménagement de terrains pour la pratique de sports ou de loisirs motorisés et soumis à étude d'impact doit être autorisée par le préfet coordonnateur de massif (article R145-2 du Code de l'urbanisme). La circulation des véhicules à moteur dans les espaces naturels en dehors des voies ouvertes à la circulation publique est interdite (instruction du gouvernement du 13 décembre 2011 n°DEVD1132602J).
Et pour un peu de fraîcheur en ces temps de canicule, il faut savoir que l'utilisation, à des fins de loisirs, des motos-neige et scooters des neiges est interdite sauf sur les terrains autorisés. Les sanctions pénales, qui relèvent de la circulation motorisée dans les espaces naturels et les secteurs interdits, sont punis d'une amende de 1500 € au plus. L'usage des motons-neiges est possible à des fins professionnelles (ravitaillement d'un restaurant d'altitude, par exemple), pour l'exercice de missions de service public (secours) ou encore sur un terrain strictement délimité et ayant fait l'objet d'une autorisation spécifique du maire.
Idem pour les sports aériens : les déposes de passagers à des fins de loisirs par "héliski" sont interdites, sauf sur les aérodromes autorisés, notamment parce que le bruit généré par les hélicoptères perturbe la faune en période d'enneigement (lire R. Heuck, L'utilisation des hélicoptères à des fins de loisirs en montagne : CIPRA/Centre de droit de la montagne, Grenoble, 2009).
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Scieries
Les exploitations du bois sont nombreuses en zone de montagne. Classées ICPE (installations classées pour la protection de l'environnement) au titre de la rubrique 2524 (taillage, sciage et polissage de minéraux naturels ou artificiels), les scieries peuvent être à l'origine de nuisances sonores importantes, pourtant réglementées par le Code de l'environnement. L'exploitant d'une scierie doit notamment s'assurer que son installation respecte les valeurs d'émergence suivantes (article 8.1 de l'arrêté ministériel du 30 juin 1997) :
Niveau de bruit ambiant existant dans les zones à émergence réglementée (incluant le bruit de l'installation) | Emergence admissible pour la période allant de 7h00 à 22h00, sauf dimanches et jours fériés | Emergence admissible pour la période allant de 22h00 à 7h00, ainsi que les dimanches et jours fériés |
supérieur à 35 et inférieur ou égal à 45 dB (A) | 6 dB (A) | 4 dB (A) |
supérieur à 45 dB (A) | 5 dB (A) | 3 dB (A) |
De plus, le niveau de bruit en limite de propriété ne devra pas dépasser en fonctionnement 70 dB (A) pour la période de jour et 60 dB (A) pour la période de nuit, sauf si le bruit résiduel pour la période considérée est supérieur à cette limite. Enfin, si le bruit est à tonalité marquée, sa durée d'apparition ne peut excéder 30 % de la durée de fonctionnement de l'établissement dans chacune des périodes diurne ou nocturne.
Le préfet peut également avoir fixé par arrêté préfectoral, des limites spécifiques à la scierie concernée. Pour connaître ces prescriptions, il convient de consulter l'arrêté préfectoral de la scierie, qui peut être plus contraignant en matière de nuisances sonores que l'arrêté général.
En journée, le bruit d'une scierie peut être causé par une activité intense et selon un rythme soutenu, de débardage, de manipulation et de sciage de bois. Le juge a déjà considéré ces bruits comme constituant des troubles excédant les inconvénients normaux de voisinage, même si la gêne éprouvée n'avait pas lieu tous les jours, ni toute la journée. L'exploitant de la scierie avait tenu compte des interventions du maire et du préfet, et avait même réduit son activité à proximité de la maison des plaignants. Mais le juge a confirmé la nécessité de les indemniser pour la période antérieure à la réduction d'activité (Cour d'appel de Besançon, 1ère chambre civile, 7 mars 1995).
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