L'exploitation d'un restaurant traditionnel n'est pas de nature à créer des nuisances sonores, contrairement à un bar ou à une discothèque. Pour cette raison, les bruits émanant de l'établissement sont considérés comme des bruits de particuliers de nature à porter atteinte à la tranquillité du voisinage, et non comme des bruits d'activités professionnelles. Le cadre réglementaire n'est pas le même, et les méthodes de constat non plus. Retour sur la décision de la Cour de cassation du 14 janvier 2020.
Une plainte contre un restaurant de plage
Situons l'affaire sur la plage de Pampelonne à Ramatuelle, sur laquelle un restaurant saisonnier est installé. Un jour d’été 2017, en fin d’après-midi, des riverains appellent la police municipale pour se plaindre de nuisances sonores en provenance de la plage. La police se déplace et constate que la musique diffusée dans le restaurant, est tellement forte qu’elle est perceptible de l’extérieur de l’établissement. Ils dressent un procès-verbal d’infraction à destination de Mme G, la directrice de l’établissement : Le restaurant est à l’origine d’un bruit particulier de nature à porter atteinte à la tranquillité du voisinage, et expose le responsable à une contravention de troisième classe (article R1337-7 du Code de la santé publique). Devant les juges, la condamnation est confirmée. Mme G. fait appel de cette première décision. N’obtenant pas réparation, elle se pourvoit en cassation.
Ne souhaitant pas s'acquitter de cette amende, Mme G. fait valoir que les agents de police ont fait l'erreur de constater le bruit à l’oreille, sans prendre de mesures avec un sonomètre. Elle considère l’activité du restaurant comme une activité professionnelle. Or, les activités professionnelles répondent à une autre réglementation, qui impose un constat avec mesures acoustiques, afin de vérifier si l’activité professionnelle dépasse les valeurs limites d’émergence globale spectrale prévues par l’article R1336-6 du CSP (et non l’article R1337-7).
Bruit d’activités ou bruit de comportement ?
Pour la Cour de cassation, les juges d'appel ont justement qualifié le bruit provenant de l’établissement de bruit de comportement : Le Nikki Beach est un restaurant de type traditionnel dont la vocation n’est pas de créer des nuisances sonores. Les bruits provenant d’un tel restaurant (la voix des clients, le clinquement de la vaisselle…) ne constituent pas des bruits d’activités au sens de la réglementation des bruits de voisinage.
Cette décision est intéressante car elle permet de rappeler la distinction entre deux types de constat de trouble du voisinage :
Si le bruit est un bruit d’activités professionnelles, en rapport avec l’exercice d’une profession, d’un sport ou d’un loisir : l’exploitant doit veiller à ne pas dépasser des valeurs limites réglementaires (article R1336-7 du CSP). Par conséquent, les agents de contrôles doivent constater l’infraction en réalisant des mesures acoustiques sur place, en utilisant un sonomètre.
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Si le bruit est un bruit de comportement : aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme, dans un lieu public ou privé, qu'une personne en soit elle-même à l'origine ou que ce soit par l'intermédiaire d'une personne, d'une chose dont elle a la garde ou d'un animal placé sous sa responsabilité (article R1336-5 du CSP) : dans ce cas, un constat à l’oreille suffit.
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Et l’enjeu de cette qualification réside au niveau du montant de la contravention, qui peut considérablement varier. Pour un bruit de comportement, l’amende peut aller jusqu’à 450 euros (contravention de 3ème classe). Pour un bruit d’activité, l’amende peut aller jusqu’à 1500 euros, 3000 euros en cas de récidive (contravention de 5ème classe).
Le restaurant n’est pas non plus un lieu musical
La Cour de cassation ne considère pas non plus que le restaurant soit un lieu musical diffusant de la musique amplifiée, alors même que les nuisances étaient générées par la diffusion de sons amplifiés. Rappelons que depuis un décret de 2017, les lieux musicaux sont précisément les « lieux ouverts au public ou recevant du public, clos ou ouverts, accueillant des activités impliquant la diffusion de sons amplifiés dont le niveau sonore est supérieur à la règle d’égale énergie fondée sur la valeur de 80 décibels pondérés A équivalents sur 8 heures » (article R1336-1 du Code de la santé publique). D'ailleurs, l'avocat Maître Sanson précise dans son analyse que pour définir un lieu musical, il faut en mesurer le niveau sonore, sans constat avec mesure. Comment fait-on sans mesure pour définir ou non le lieu comme le lieu musical concerné par la réglementation sur les sons amplifiés ?
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Cour de cassation, chambre criminelle, 14 janvier 2020, n° 19-82.085